Leçons du conflit géorgien pour l’Europe de la Défense. 1ère Esquisse
(B2) 1° L'Europe de la défense (PESD) : un galon de plus ? Dans l'affaire géorgienne, l'Otan est apparue, ici, discréditée. Trop partiale, reflétant trop le point de vue américain. L'exemple théorique, jusqu'ici, cité dans plusieurs séminaires sur la défense est devenu réalité, dans le conflit russo-géorgien : 1) l'Onu est paralysée son fonctionnement intergouvernemental et multinational et l'antagonisme russo-américain (comme un retour au scénario classique de la guerre froide); 2) l'Otan est neutralisée par son statut de quasi-belligérant ; 3) Les autres organisations régionales (Osce, Conseil de l'Europe...) n'ont pas de moyens d'intervention autre que la parole ou le droit (donc pas de moyens militaires). Seule reste ainsi en scène l'Union européenne dont l'absence de pensée unique en matière de politique étrangère - si souvent décriée- est ici un gage de sa capacité à intervenir. Non pas parce qu'elle est neutre - une organisation politique n'est pas neutre -, mais parce qu'elle se doit d'être impartiale, du fait de ces différences de sensibilité internes. Une Union qui a prouvé dans le passé cependant qu'elle avait quelques capacités (même si elles sont limitées) d'intervention militaire (Tchad), militaro-civile (Kosovo) ou de surveillance des frontières (Transnistrie-Moldavie-Ukraine). Ce qu'on appelle la politique européenne de défense et de sécurité (PESD). Du coup, les priorités de la présidence française en matière de défense (lire interview de H. Morin) retrouvent quelque lustre, notamment celui de renforcer les capacités de planification de l'Etat-Major de l'UE. NB : on peut remarquer, avec un peu d'ironie, que parmi ceux qui réclament à corps et à cri une force de maintien de la paix, plus militaire, figure un des pays les moins enclins à soutenir l'Europe de la défense (les Britanniques) ou ceux qui ont très peu de moyens à fournir (les Baltes).
2° L'adhésion de la Géorgie et de l'Ukraine à l'Otan : pas pour demain ? Deux points de vue peuvent s'opposer. Soit on justifie - a priori - l'utilité plus que jamais de faire adhérer ces deux pays à l'Otan, le plus rapidement possible, pour les protéger d'une nouvelle "agression" russe. Soit au contraire, c'est le réal politisme qui parle. "Il faut comprendre que sur ce continent, il y a nous et la Russie" expliquait à son entrée au Conseil des Ministres exceptionnel du 13 août, le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, évoquant ainsi publiquement ce que chacun pense tout bas : un partage des zones d'influence. Tendance : L'Otan étant un organisme où l'unanimité est nécessaire pour une adhésion, la deuxième option semble plus réaliste.
3° Le bouclier antimissile : à compléter d'urgence ? C'est sans doute la conséquence la plus rapide. Là aussi deux points de vue peuvent s'opposer. D'un coté, on peut dire que l'utilité du bouclier anti-missile est plus que jamais importante aujourd'hui, non pas dans sa version "protection contre l'Iran" mais "protection contre le voisin russe". Polonais et Américains ont intérêt à faire taire leurs divergences. D'autant plus rapidement que les élections approchent aux Etats-Unis et qu'un changement de majorité pourrait amener un changement de priorité. De l'autre, on pourrait dire : ne fachons pas nos amis russes, une fois de plus, et abandonnons ce projet. Tendance : le bouclier antimissile étant un projet uniquement américain, où la décision n'est pas multilatérale, mais bilatérale, c'est la première option qui semble plus plausible. Un point de vue qui semble se vérifier sur le terrain (voir autre article).
Autre conséquence, l'augmentation des budgets militaires. Déjà les Russes ont indiqué que ce budget devrait être revu à la hausse. Plusieurs milliards de roubles, selon le quotidien Vedomosti. Il faut prévoir l'achat de drones - dont l'armée russe manque - et de missiles Topol pour assurer son autonomie stratégique. Le conflit avec la Géorgie a montré combien les Géorgiens avaient un meilleur armement selon les Russes. Rien que l'équipementet la modernisation des troupes présentes dans le Caucase couterait 1,382 milliard d'euros. Tendance : de cette nouvelle relance de la course aux armements, il n'est pas sûr que les Américains sortent vainqueurs, comme ils en étaient sortis de la précédente.
(NGV)