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Face à la Russie, l’Otan agite un baton… un peu homéopatique


(B2) La réunion des Ministres des affaires étrangères de l’Otan, voulue par les Etats-Unis et certains pays de l’Est, qui s'est tenue le 19 août à Bruxelles, a atteint son objectif : surtout rassurer… les Alliés eux-mêmes, et leurs opinions publiques. Certes le message désormais est bien clair. La Russie doit « appliquer le plan de paix proposé par la France au nom de l’Union européenne » et signé par son président Medvedev, comme l'a souligné le secrétaire général de l’Otan, le néerlandais Jaap de Hoop Scheffer. « Les forces Russes doivent donc se replier sur leurs positions antérieures ». Tant que cela ne sera pas fait, les relations avec les Russes ne pourront plus être « business as usal » (celles de tous les jours) a-t-il précisé. Il n’y aura donc pas « pour l’instant » de réunions du Conseil Otan – Russie, organisée au siège de l’organisation à Bruxelles. Et comme l’ont déjà fait les Américains ou les Canadiens, ils ne participeront plus à des exercices en commun. "Nous sommes très déçus car il n’y a pas de retrait des troupes. Nous n'acceptons pas que la parole des signataires soit remise en question, les Russes doivent respecter leur signature, et retirer leurs troupes. Cela aurait dû être faite depuis 2 jours déjà" a précisé, de façon ferme, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, lors de sa conférence de presse tenue après la réunion (voir ici). "A un moment donné, il faut respecter sa parole, sinon il n’y a plus de communauté internationale possible" a-t-il ajouté.

Mais, à coté d’un discours qui se veut "réactif", les mesures concrètes semblent bien faibles pour une organisation militaire. Ainsi il n'est pas question d'intervenir d'une autre façon. Si l’adhésion de la Géorgie à l’Otan – bloquée en avril par plusieurs pays dont la France, l’Allemagne et l’Espagne – reste toujours d’actualité, aucun engagement n’a été pris pour accélérer le processus. Le Conseil Otan – Russie n’a pas été supprimé. Quant à la représentation de la Russie au sein de l’Otan, elle continue d’être ouverte. Simplement, les Russes ont été privés, hier à Bruxelles, de la possibilité d’utiliser une salle de l’Alliance pour faire leur conférence de presse, comme ils le font d’habitude. Et ils ont donc dû se replier dans le bureau de leur représentation. Tout un symbole !

Au-delà des mots, les Alliés savent très bien en fait qu’une escalade n’est ni souhaitable… ni possible. "Ce qui compte, ce n’est pas de juger ni de blâmer" a répété Bernard Kouchner, parlant aussi en tant que présidence de l'Union européenne. "Nous cherchons les moyens de pression pour que les Russes respectent leur plan de paix". Parmi ces moyens concrets pour faire pression, il y a la possibilité de "convoquer un sommet européen extraordinaire pour montrer la détermination des Européens". Mais pas plus (cf. sur l'intervention possible d'un battle group). Interrompre toutes les relations avec les Russes ne semble pas vraiment envisagé. Du moins pour l'instant : ainsi la candidature à l'Omc de la Russie reste active et le Conseil UE - Russie prévu en novembre est toujours d'actualité. "Personne n'empêche de relations avec qui que ce soit. (...) Si on ne se parle pas la tension augmente" a-t-il justifié. "Si on ne s’était pas parlés, les Russes seraient peut-être aujourd’hui à Tbilissi".  D'un point de vue général, le Ministre français a aussi commenté que : "Nous ne sommes pas revenus au temps de la guerre froide. C'est une autre situation" (Mais) nous sommes sûrement revenus plusieurs années en arrière, avec un risque de contagion. Et il nous faudra plusieurs années pour rattraper ce retard".

Un retrait russe savamment orchestré
Les troupes russes ont commencé à se retirer de Gori, un retrait savamment orchestré sous les yeux des caméras. D’ici au 22 août, a promis le président russe Medvedev, dans un communiqué publié à Moscou, une partie des troupes russes vont se retirer sur leurs positions antérieures au conflit géorgien (Russie, Ossétie du Sud). Resteront sur place dans la zone dite de sécurité, d’une dizaine de kilomètres autour de l’Ossétie du sud "500 personnels chargés de la mise en oeuvre des mesures additionnelles de sécurité" comme prévus par l'accord du 12 août, précise un communiqué conjoint signé de Dmitri Medvedev et Nicolas Sarkozy.

Commentaire : l'armée russe est une grosse machine, plus ou moins indépendante du pouvoir politique, du calendrier officiel - un Etat dans l'Etat l'a-t-on qualifié -, et se retire, donc en bon ordre, selon son propre calendrier, stratégi. Le 22 août pourrait donc ne pas être tenu. L'important est que le retrait - même lent - soit effectif. Ce qui permet, aussi, aux Occidentaux d'éviter une confrontation trop directe.

(NGV)

Crédit photos : Otan

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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