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L’ONU redéfinit les tâches de la MINUK au Kosovo

(BRUXELLES2) Les notes que le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki Moon a publiées, en juin et juillet, méritent une attention soutenue car elles fixent un cadre nouveau pour la Mission des Nations-Unies au Kosovo (Minuk) et, par défaut, donne aux Européens, un mandat indirect pour agir. L'ensemble est assez contradictoire. Le secrétaire de l'Onu ressemble davantage à un équilibriste tenu de ménager ceux qui veulent un Etat indépendant au Kosovo (Etats-Unis et la plupart des pays de l'Union européenne) et ceux qui estiment qu'il ne s'est rien passé le 17 février (jour de la proclamation de l'indépendance) et refusent toute sécession de l'ex-république autonome de Yougoslavie (Serbie, Russie...) ou d'entériner le fait accompli (Espagne, ...), entre un seul Etat ou deux Etats.

On peut en retenir cinq points :

1° "Jusqu'à ce que le Conseil de sécurité n'en décide autrement, la résolution 1244 (1999) continue de constituer le cadre juridique du mandat de l'ONU".

2° Le pilier IV de la Minuk (dédié à la reconstruction économique) est mort. « la Commission européenne a informé mon Représentant spécial qu'elle mettrait fin, à compter du 30 juin 2008, au financement des opérations du pilier IV de la MINUK ». Décision prise - selon le Secrétaire général - « sans consulter le Siège de l'ONU » et qui prive de fait la MINUK de la « possibilité technique ou budgétaire de remplacer les experts financés par la Commission ».

L'Union européenne jouera un rôle opérationnel renforcé dans le domaine de l'Etat de droit au titre de la résolution 1244 (1999), sous l'autorité générale des Nations Unies. Au fil du temps, elle assumera des responsabilités opérationnelles croissantes dans les domaines de la police internationale, de la justice et des douanes dans l'ensemble du Kosovo. Sa capacité à déployer une mission sur l'Etat de droit pourrait, comme prévu dans la résolution 1631 (2005) du Conseil de sécurité, « compléter utilement les travaux de l'ONU et produire un effet positif sur l'utilisation optimale des ressources limitées ».

4° Il est entendu que la responsabilité internationale de l'ONU sera limitée à la mesure de son contrôle opérationnel effectif. Elle sera chargée « entre autres fonctions qu'il reste à définir » : a) d'exercer une surveillance et de présenter des rapports; b) de faciliter, lorsque cela est nécessaire et possible, des arrangements concernant la participation du Kosovo à des accords internationaux; c) de faciliter le dialogue entre Pristina et Belgrade au sujet de questions d'intérêt pratique; et d) d'exercer des fonctions en ce qui concerne le dialogue.

5° « En attendant des directives du Conseil de sécurité, il faut reconfigurer la présence internationale civile au Kosovo (..), il est concrètement nécessaire de recalibrer la présence internationale d'une manière qui permette de répondre aux besoins opérationnels actuels et naissants. »

De façon pragmatique, le secrétaire général de l'ONU propose de redéfinir certains services sensibles.

• la Police: le Service de police du Kosovo qui opère dans les zones à majorité serbe doit se mettre sous l'autorité de la police internationale et du représentant spécial de l'Onu.
(autrement dit les policiers serbes du Kosovo ne dépendront pas de Pristina).

• les Tribunaux : de nouveaux tribunaux locaux et tribunaux de district doivent être créés dans les zones à majorité serbe. Ils fonctionneront au sein de l'appareil judiciaire du Kosovo selon la loi applicable dans le cadre de la résolution 1244 (donc la loi internationale et pas la loi du Kosovo).

• les Douanes. C'est au Représentant spécial de l'ONU de « déterminer, en consultation avec les parties intéressées, la structure administrative qui permettra au Kosovo de continuer à fonctionner « comme un territoire douanier unique, avec garantie du maintien de la présence des officiers internationaux des douanes aux postes frontière ». Un comité de coordination technique, « où seront représentées la République de Serbie et d'autres parties prenantes », sera mis sur pied afin de régler toutes les questions techniques du passage des frontières.

• les forces de sécurité. La présence de l'OTAN, présence militaire internationale, continuera d'accomplir sa mission de sécurité dans tout le Kosovo, y compris sur les frontières, en coordination avec d'autres organisations internationales. (autrement dit Eulex Douanes).

• le Patrimoine serbe. L'Église orthodoxe serbe du Kosovo bénéficiera de la protection internationale. Elle restera sous l'autorité directe de son siège religieux à Belgrade. Elle conservera le droit exclusif de préserver et restaurer ses sites religieux, historiques et culturels au Kosovo.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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