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A l’informel emploi, l’accord prime le désaccord… c’est OFFiciel!

(B2) Réunis en Conseil informel, les 10 et 11 juillet, au Chateau de Montvillargenne (excusez du peu), à Chantilly (ville ultra riche de la grande banlieue parisienne, où les villas cotoient les petites masures à tourelle et les résidences pour personnes âgées plutôt huppées), les 27 ministres de l’Emploi et de la Politique sociale avaient du pain sur la planche, avec le paquet social mis sur la table par la Commission européenne le 2 juillet et la nécessité – rendue plus ardente par le Non au référendum irlandais - de rendre l’Europe plus concrète, plus visible aux yeux des citoyens. Le ministre français du Travail, qui présidait la séance, Xavier Bertrand, s’est donc voulu volontariste. « 2008 doit être l’année du redémarrage de l’Europe sociale. Chacun l’appelle de ses vœux. (Car) l’Europe ne doit pas seulement porteuse de progrès économique mais aussi de progrès social. Il n’y a pas de contradiction entre l’un et l’autre. » Lors de ce conseil informel - a-t-il poursuivi - nous avons abordé toutes les sujets « sans tabou » : le temps de travail, la libre prestation de services et le droit du travail, ou les comités d’entreprises.

Négocier sur le temps de travail
Sur une question comme le « temps de travail » qui va nécessiter une concertation avec le Parlement eruopéen, le Ministre a repris à son compte le compromis atteint au Conseil. Mais il n’a pas voulu indiquer sur quels points, le Conseil était prêt à renégocier pour atteindre un accord. « C’est au Parlement européen de définir sa position. Ne brûlons pas les étapes.». De fait, le Conseil a – semble-t-il – donné sinon carte blanche à la présidence pour « dégager un équilibre ». C’est une « nécessité » ajouté le Ministre. Même si Jan Anderson, le président de la Commission Emploi, a estimé que le compromis soit « très difficile à accepter » en l’état, il semble bien que certaines données, d’ordre plus politique jouent pour un apaisement de la position du Parlement. « Les élections européennes sont proches, de même que la confection des listes, et certaines pressions venant des Etats membres vont commencer à se faire sentir » estime un observateur proche du dossier.

Petits désaccords dans l'accord
Une « avancée notable » semble avoir été obtenue, sur la directive « comités d’entreprises », lors de la rencontre entre partenaires sociaux, le 10 juillet. Malgré leurs dissensions, la Confédération européenne des syndicats (CES) et Business Europe ont, en effet, convenu de joindre leurs efforts pour tenter de dégager une position commune. Ce qui pourrait être fait « d’ici quelques semaines ». La discussion dans les couloirs a aussi révélé qu’un groupe de pays (Royaume-Uni, Suède, Pologne, République tchèque) ne voient pas la valeur ajoutée de la directive sur les comités d’entreprise européens. Comme l’a expliqué Petr Necas, ministre du Travail, répondant à une question d’Europolitique en la conférence de presse : « Nous ne voyons pas de signal politique pour changer cette directive. Pour nous, ce n’est pas une priorité N°1. Mais nous coopérerons avec la bonne présidence sur le sujet. »
Sur la directive discriminations (discutée à l’unanimité), c’est l’Allemagne qui cause plus de soucis à la présidence et à la Commission. Malgré de nombreuses concessions figurant dans la proposition (dérogation pour les particuliers notamment), le ministre allemand n’a pu confirmé au Conseil une approche très positive. Le Royaume-Uni a aussi quelques problèmes. « Il ne faut pas méconnaître la difficulté d’arriver sur ce sujet » a expliqué en fin de Conseil, Valérie Létard, la Secrétaire d'Etat à la Solidarité. « Le sujet est complexe ». La question des discrimination dans l’éducation doit ainsi être regardée « avec attention » a-t-elle ajouté. Ces deux sujets seront mis, à l’ordre du jour, pour la première fois, au Groupe des questions sociales les 17 et 18 juillet. Les Ministres devraient s’y pencher lors des deux Conseils Emploi, en octobre, et en décembre, un accord politique étant prévu au dernier Conseil.

Libre prestation de services ou salaire minimum
La question des arrêts de la Cour sur la libre prestation de services et les salaires minimums a aussi suscité moults débats. Le Luxembourg a notamment soulevé cette question. La dernière jurisprudence a des «  répercussions politiques et morales désastreuses », a expliqué le ministre luxembourgeois du Travail, François Biltgen. « Ces arrêts posent des questions. Il y a des inquiétudes que nous pouvons comprendre » a complété le Français Xavier Bertrand. Mais « nous voulons engager le débat de façon sereine, sans opposer mobilité et protection », a-t-il ajouté. « L’idée d’en débattre a été acceptée par tous » a expliqué, pour sa part, le commissaire européen Vladimir Spidla. Une déclaration pourrait être adoptée à la fin du semestre.

Trois initiatives contre la pauvreté

Concernant l’inclusion active, Martin Hirsch, le « haut commissaire (français) contre la pauvreté », a souligné combien « l’inclusion sociale active » était un concept partagé par tous en Europe. Les 27 se retrouvent – a-t-il expliqué - dans un modèle qui combine « Revenu minimum, accès au travail et organisation des services sociaux pour les plus vulnérables. Soulignant combien la communication que doit publier la Commission en octobre, était « attendue », il a fait part de plusieurs initiatives. Les pays qui le veulent pourront ainsi se doter d’objectifs chiffrés, véritables engagements pour faire reculer la pauvreté en Europe. « Une approche pays par pays, pour avoir des engagements réels et non pas incantatoires, a précisé Martin Hirsch.  La deuxième piste consiste à « discuter méthode et tester des solutions à partir des résultats, non d’idéologie ». Troisième initiative, le lancement de réseaux d’expérimentation sociale d’ici la fin novembre. La réunion les 15 et 16 octobre, à Marseille, des 27 en charge de pauvreté devrait être l’occasion de préciser ces initiatives.

Agir sur le handicap
En complément, Valérie Létard, secrétaire d’Etat à la solidarité, a listé plusieurs des objectifs de la présidence, durant ce 2e semestre, particulièrement en matière de handicap :
• faire ratifier la Convention de l’ONU. Un « bilan régulier » de la mise en œuvre de la Convention dans les pays l’ayant ratifié devrait être ainsi publié par la présidence.
• créer une norme européenne pour les équipements à destination des personnes malvoyantes (sites Internet, étiquetage en braille, vocalisation des appareils de la vie courante).
• définir pour les personnes âgées des bonnes pratiques à travers la promotion de la «bientraitance », notamment en matière de prise en charge de la maladie d’Alzheimer en « réfléchissant à la définition d’indicateurs minimaux de bonne prise en charge ».
• valoriser un « label Egalité » auprès des entreprises européennes qui respectent l’égalité professionnelle entre hommes et femmes.

Un cadre pour les Ssig ?
La Ministre a aussi rappelé l’intention de la présidence de « définir un cadre communautaire » pour les services sociaux d’intérêt général « adapté à leur développement » Mais il y un « débat » entre les 27 « entre spécificité et cadre juridique communautaire » a-t-elle précisé. Son homologue tchèque a d’ailleurs expliqué, publiquement, être plutôt en faveur « d’objectifs non obligatoires de qualité » pour la qualité des services sociaux et de santé. Nous avons besoin « d’une clarification juridique » a finalement commenté Xavier Bertrand, de « garanties face à l’avenir. Nous avons proposé une feuille de route avec une série de rendez-vous sur la question. Et j’ai demandé à la Commission européenne de travailler sur ces aspects ».

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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