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Prix de l’essence et diesel : la France peut-elle jouer sur les taxes?

(B2) Dans un jeu de ping-pong, médiatique, le gouvernement français et la Commission européenne se renvoient la balle sur la possibilité, ou non, de baisser les taxes sur l’essence. Le point…  (*)

La France - comme un autre Etat membre - est-elle libre de faire ce qu’elle veut en Europe ? Pas totalement. Les deux taxes prélevées sur l’essence ou le diesel - Taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) et TVA - sont harmonisées au niveau européen, sur demande de la France d’ailleurs. Deux directives : en 1977 (Tva) et 2003 (accises, TIPP) fixent des minima – qui doivent être respectés par chaque Etat. Nb : La TIPP porte sur les volumes : son montant est fixe, quel que soit le prix, elle est inchangée. La TVA varie en fonction du prix : c’est un pourcentage, plus le prix augmente, plus elle coûte cher à l’usager.

Le gouvernement peut-il baisser la TVA ? Oui mais cela coûtera cher. La France peut baisser son taux normal de TVA (19,6 %), « quand elle le veut, sans formalité » assure la Commission européenne, au minimum de la directive (15 %). Mais elle ne peut pas le faire seulement pour l’essence ou le diesel, elle doit le faire pour tous les produits au taux normal. Au bas mot, la facture avoisinerait 30 milliards.
Nb : La TVA est harmonisée autour de deux taux : un taux réduit pour certains types de biens et services (dont la liste est fixée au niveau européen : alimentation par exemple), le taux normal pour toutes les autres marchandises. Ce montant peut varier selon les régions, la France ayant obtenu déjà une dérogation pour faire varier ses taux.

Le gouvernement peut-il baisser la TIPP ? Oui. La taxe française est au-dessus des minima européens. Elle est en moyenne de  60 cents (essence) et 42 cents par litre (diesel). Alors que les minima européens  sont, respectivement, de 36 cents (essence) et 30 cents par litre. L’Etat peut, « sans formalité », abaisser ces montants. Ce qui aurait surtout un impact pour les usagers. Mais relativement peu d’impact pour les professions (routiers, taxis, ambulanciers, agriculteurs, pêcheurs…) qui bénéficient déjà d’exonérations.

Peut-on changer les minima européens ? Difficile. Les décisions en matière de fiscalité étant prises à l’unanimité, toute dérogation suppose une proposition de la Commission et un accord des 26 Etats membres.

Peut-on accorder une aide compensatoire aux professions ? C’est clair. Toute aide à un secteur précis nécessite une autorisation de la Commission européenne : soit par une décision ad hoc, soit par un encadrement préalable (pêcheurs…).

Peut-on accorder une aide financière aux ménages ? Oui. C'est même prévu et autorisé par le Traité européen. Un Etat peut toujours venir en aide à la population la plus en difficulté. Qu'elle que soit le type d'aide (chèque mazout, réduction fiscale, aide à l'économie d'énergie...). Du moment qu'elle n'est pas discriminatoire (critères objectifs : par exemple de ressources) et pas ciblé sur une profession (voir ci-dessus).

(NGV)

Crédit photo : © Nicolas Gros-Verheyde
(*) article paru - pour partie - dans l'édition de Ouest-France du 25 juin

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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