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Piraterie maritime

Pirates en Somalie, la Commission regrette le manque de concertation

otages du Ponant libérés et récupérés par l'armée française - Crédit : DICOD / Service de presse des armées

(BRUXELLES2) Face aux actes répétés de piraterie maritime, particulièrement au large des côtes de Somalie, la coordination des Etats européens sur la question devrait se renforcer. Du moins c'est le souhait affiché par la Commission européenne, en réponse à plusieurs questions de députés et de journalistes, lors du briefing quotidien, ce 22 avril. « Le maintien de la sécurité dans les eaux de la cote de la Somalie ne peut pas être garanti comme il faut par les autorités somaliennes » explique ainsi un porte-parole de la Commission. Le problème de piraterie est « grave »: 17 attaques dans le premier semestre 2007, contre 8 pendant la même période de 2006. Une situation que la Commission « déplore ». L'exécutif européen fait donc « appel à toutes les parties pour qu'elles prennent les mesures possibles pour garantir, selon le droit international, la fin immédiate des actes de piraterie comme des assauts contre les bateaux".

La pression des faits appelle à une coordination européenne plus étroite

Cette déclaration intervient après qu'un thonier espagnol, le "Playa de Bakio", ait été pris d’assaut, dimanche 20 avril, par des pirates et ses 26 membres d’équipage pris en otage. Une concertation avec les forces britanniques et françaises présentes sur la zone a été engagée. La France a mis des "moyens logistiques" - sa base de Djibouti notamment - à disposition des forces espagnoles - a expliqué Hervé Morin, ministre français de la Défense. L'Espagne devait envoyer un avion de reconnaissance et d'observation et des "échanges d'information" aussi avoir lieu entre les deux pays.

mission d'interception des pirates au-dessus de la Somalie. Crédit : DICOD / service de presse des armées

Mais une telle concertation devrait se développer dans un cadre plus communautaire, estime la Commission européenne. Si « plusieurs Etats ont déployé des navires de guerre dans la zone, cette action ne s’est pas déroulée dans un cadre de l'UE », regrette ainsi la Commission répondant par écrit à certains eurodéputés. Entre autres, participent ou ont participé divers Etats membres de l'UE (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Royaume-Uni). La Commission estime aussi qu'une "coordination de la protection militaire des bateaux de pêche et des bateaux marchands de l’UE pourrait être envisagée. Et (même) faire partie de la politique maritime européenne. Mais - s'empresse-t-elle de préciser - il s'agit d'un sujet sur lequel doit décider le Conseil, étant donné qu'il a une répercussion sur la Politique européenne de sécurité et défense".

Une future résolution à l'ONU

Une action dans le domaine de la piraterie maritime devrait, avant tout, prendre la forme d'une résolution des Nations-Unies, l'ONU n'agissant pas directement mais autorisant les Etats à réagir dans le cadre du droit international de la mer. La concertation opérationnelle des Etats pourrait se faire, ensuite, au travers de l'Otan, de l'UE, ou d'un autre cadre. La France et les Etats-Unis, soutenus par le Royaume-Uni et rejoints maintenant par l'Espagne, préparent ainsi un projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU autorisant les pays tiers à recourir à la force, pour combattre la piraterie maritime, particulièrement au large de la Somalie. Selon un diplomate, il s'agit d'agir "si possible par voie préventive, d'organiser des patrouilles ou de s'attaquer directement aux pirates".

De la difficulté de lutter contres les pirates

La difficulté de mener des actions uniquement préventives est en effet patente, si on en croit le général Baptiste, porte-parole adjoint du ministère français de la Défense. «Les embarcations de pêche peuvent devenir des bâtiments d’assaut en raison de la dualité des moyens utilisés: dans la région, les personnes détiennent souvent des armes pour l’autodéfense ainsi que des téléphones ou des moyens de transmission ». En fait, ajoute-t-il, "la piraterie est un mode d’action momentanée de personnes qui peuvent passer rapidement de la pêche au brigandage". Propos confirmé par Cyrus Mody, responsable du Bureau maritime international (BMI), interrogé par l'AFP: "La zone du golfe d'Aden et la côte est somalienne est immense, et à moins d'une attaque effective, il est pratiquement impossible de distinguer un bateau de pêche de pirates". "C'est une source de revenus pour les chefs de guerre somaliens" complète Andrew Mwangura, directeur du programme d'assistance aux marins (Kenya).

Des incidents en augmentation

Le Ponant au large de la Somalie - service de presse des Armées

Les actes de piraterie ont augmenté de 20% au premier trimestre 2008, selon le BMI. Ils se concentrent sur trois zones: les côtes du Nigéria, l'Inde et le Golfe d'Aden (près de la Somalie). En revanche, aucune affaire de piraterie n'est plus recensée dans le détroit de Malacca, de sinistre réputation il y a quelques mois encore ; la coopération entre l'Indonésie, la Malaisie et Singapour, avec patrouilles à l'appui, semblant produire des effets. C'est effectivement entre la Somalie et Aden, qu'un bateau français, le Ponant, a été pris d'assaut, début avril. Les passagers pris en otage ont été rapidement libérés contre une rançon d'environ 200.000 $ versée par l'armateur. Plusieurs navires militaires et un avion d'observation - type Atlantique II - ont été dépêchés sur la zone permettant de suivre à la trace les pirates. Et six d'entre eux ont pu, ensuite, être arrêtés par les commandos "marine" français, en Somalie (lire le communiqué des armées). Rapatriés en France, ils ont été inculpés le 18 avril par le procureur de la République de Paris. Dans la même zone, un pétrolier géant japonais, le Takayama, a été attaqué, le 21 avril, à la roquette et à l'arme automatique mais a réussi à s'échapper. Le lendemain, l'armée somalienne a repris un autre navire, battant pavillon émirati, capturé dans des conditions analogues.

NB : Cet article est paru dans Europolitique

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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