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Charte des droits fondamentaux. Nouveau psychodrame polonais

La ratification du Traité de Lisbonne en Pologne à la Diète donne actuellement lieu à  Varsovie à un psychodrame dont la scène politique polonaise a le secret. La majorité gouvernementale —
Plate-Forme civique (PO) et parti paysan (PSL) — même avec la gauche (LiD), manque en effet de quelques voix pour disposer des 2/3 des voix nécessaire
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s pour entériner la loi de ratification du Traité. Et l’opposition du PiS
(Droit et Justice) des frères Kaczynski — dont l’un, Lech, est toujours Président de la République (voir photo) — a pris en otage cette ratification. Des tractations ont commencé avec la PO
(plate-forme civique), le parti au gouvernement Tusk. 

Le Pis n'a d'ailleurs jamais vraiment aimé la Charte des droits fondamentaux et a tout fait pour en limiter son application en Pologne, invoquant souvent des raisons qui n'ont rien à voir avec ce
texte, comme le droit au mariage des homosexuels ou le retour des propriétés aux Allemands qui résidaient auparavant sur le territoire polonais (voir
précédent article
). Le PiS fait ainsi dépendre son accord à la ratification du traité de Lisbonne de l’adoption d’un préambule réaffirmant la
« souveraineté » de la Pologne dans certains domaines (politique, éthique, culturel) et garantissant que la Pologne ne pourra pas renoncer ni au « mécanisme d’Ioannina » facilitant le blocage des
décisions de l’UE, ni au « protocole » limitant l’application de la Charte des Droits Fondamentaux, sans l’accord des quatre acteurs politiques principaux (Diète, Sénat, Président et Premier
ministre).

Lech Kazscinski s'est fait un petit délire lors d'un spot enregistré à la présidence de la république : sur un air de musique emprunté d’un feuilleton télévisé sur la 2e guerre mondiale, et
accompagnée de flashs montrant un mariage homosexuel (voir autour de 2mn30 sec) et une carte de l’Allemagne de 1914 (voir autour de 2e minute), censés illustrer de possibles revendications
allemandes, dont la Pologne serait menacée au cas où elle renoncerait à sa formule d’opt out de la charte des droits fondamentaux (voir la vidéo ici).

Lors d’un débat à la Diète, précédemment l’ancien Premier ministre, Jaroslaw Kaczynski, n’a pas eu de mots assez durs sur ce Traité — négocié pourtant
lorsqu’il était au pouvoir —, déclarant que son parti « ne permettrait jamais que la Pologne devienne une voïvodie de l’Union ». Une position dure justifiée par les conditions politiques internes
selon les observateurs. Le PiS est en effet mis à rude épreuve par son aile droite. Plusieurs députés emmenés par Marek Jurek, sous l’influence de l’abbé Rydzyk (Radio Maryja aux dérives parfois
extrêmistes) ont ainsi annoncé en fin de semaine dernière qu’ils pourraient quitter le PiS et former un nouveau parti, à sa droite.

La PO est prête à organiser un référendum, si le PiS ne cède pas sur la question du préambule. C’est ce qu’a confirmé à la presse polonaise, Slawomir Nowak, chef du cabinet politique du Premier
ministre : « si le PiS vote contre, nous organiserons un référendum ». Une menace qui devrait faire réfléchir le PiS. 71% des Polonais approuvent aujourd’hui l’entrée de leur pays dans l’UE. Et
les derniers sondages donnent un net avantage à la PO (60%), « niveau record, jamais atteint, tandis que la popularité du PiS diminue (23%). La gauche et le parti paysan (PSL) ont régressé,
respectivement à 8% et 5%.

Le PiS, lui-même, est divisé sur la question. Lors d’un vote à la Diète, jeudi 13 mars, dans une résolution pour la ratification du traité de Lisbonne par voie parlementaire, 55 députés du PiS
ont voté pour la tenue d’un référendum national tandis que 89 se prononçaient pour la voix parlementaire. La résolution a apporté l’adhésion de 357 députés (192 députés de la PO, 45 du LiD et une
majorité du PSL (26).

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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