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Et une réserve de plus à la Charte des droits fondamentaux…

(Archives B2) Au dernier moment, la République tchèque a découvert quelque allergie à la Charte des droits fondamentaux. Elle a ainsi émis dans une déclaration (la n° 52) - consignée dans l'Acte final du Traité signé à Lisbonne le 13 décembre, quatre réserves.

Quatre points

Le gouvernement tchèque (coalition chrétienne-démocrate / verte) souligne ainsi que « les dispositions de la Charte s'adressent aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union et non lorsqu'ils adoptent et mettent en oeuvre le droit national indépendamment du droit de l'Union ». Il estime aussi que les « droits et principes (fixés par la Charte) doivent être interprétés en harmonie avec lesdites traditions ».

Enfin, précise-il « la Charte ne réduit pas le champ d'application du droit national et ne limite aucune compétence actuelle des autorités nationales dans ce domaine ». Et « aucune disposition de la Charte ne peut être interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l'homme et libertés fondamentales reconnus, dans leur champ d'application respectif, par le droit de l'Union et les conventions internationales auxquelles sont parties l'Union ou (…) les Etats membres… ».

Une portée juridique quasi-nulle

Ces réserves peuvent apparaître, à première vue, comme un troisième opt-out (après le Royaume-Uni et la Pologne). Mais la différence essentielle tient à la valeur juridique de cet acte qui ne lie apparemment pas les institutions européennes ou la Cour de justice.  Ce texte "confirme surtout certaines limitations posées dans la Charte même" explique un juriste qui a suivi les négociations du Traité. Il est "surtout à visée interne", commente un journaliste tchèque, "pour faire plaisir à l'électorat de l'ODS, (...) et l'opposition sociale-démocrate n'a rien dit, rien vu"...

Retard à l'allumage...

En fait, raconte un diplomate, les Tchèques se sont réveillés très tard, au dernier moment.  Ils sont venus voir la présidence portugaise dans les derniers jours de novembre avec un véritable "opt-out". Leurs interlocuteurs leur ont aimablement fait comprendre le peu de pertinence de cette démarche et son coté tardif (c'est un euphémisme) et ont aiguillé les Tchèques vers un texte, plus commun et qui n'explicite pas, en fait, de nouvelles réserves, mais confirme les dispositions déjà présentes dans la Charte (aux articles 52 et 53) en limitant sa portée.

Les Tchèques à rebours de leur histoire...

Si  la portée juridique de cette déclaration est donc contestable, elle n'en laisse, pas moins, au niveau
politique, un manque d'appétence certain pour la Charte du pays qui a vu naître un des mouvements les plus originaux en Europe, la "Charte 77" dont étaient membres de nombreux intellectuels, comme Vaclav Havel (la photo date de novembre 1989 à la Lanterna Magica... on est bien loin aujourd'hui de cet esprit des libertés !).

(Nicolas Gros-Verheyde-

A la Lanterna Magica (© NGV)
A la Lanterna Magica (© NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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