Brève blog

Le décret italien d’expulsion des Européens délinquants est “limite” !

(B2) En prenant un décret facilitant l'expulsion des citoyens Européens non seulement pour raison d'atteinte à la sûreté de l'Etat mais pour toute raison de sécurité publique, le gouvernement italien de Romano Prodi (ancien président de la Commission européenne cependant), soumis à forte pression de son opposition (Forza Italia de Berlusconi) semble vouloir prendre quelque liberté avec les règles européennes en matière de libre circulation des personnes qui sont très strictes. Ce n'est pas vraiment la procédure qui est en cause mais le coté impératif de certaines incriminations exprimées en termes très généraux (atteinte à la dignité humaine, aux droits fondamentaux).

Interrogée, la Commission européenne préfère pour l'instant s'en tenir à un laconique "Dès que le gouvernement italien aura notifié cette nouvelle loi, la Commission étudiera son impact et son intégrité vis-a-vis des obligations decoulant de la Directive 2004/38". Un peu laconique pour une liberté fondamentale... On est en week-end mais quand même !

Pour mémoire, il faudrait ajouter que la directive de 2004 (ici) (+ correctif) fixe des règles très précises en matière d'ordre public, règles interprétées encore plus strictement par la Cour de justice. En résumé :
1) Le citoyen de l'Union ou le membre de sa famille peut être éloigné du territoire uniquement pour des raisons d'ordre public, de sécurité ou de santé publique.
2) Toute mesure concernant la liberté de circulation et de séjour doit être fondée sur le comportement personnel du sujet.
3) L'existence de condamnations pénales ne peut pas automatiquement justifier une telle mesure.
4) Le comportement doit représenter une menace suffisamment grave et actuelle touchant un intérêt fondamental de l'État. La péremption du document ayant permis l'entrée du sujet intéressé n'est pas une raison qui justifie l'éloignement.
5) En tout état de cause, avant de prendre une décision d'éloignement, l'État membre d'accueil devra évaluer certains éléments tels que la durée de la résidence de l'intéressé, son âge, sa santé, son intégration sociale, sa situation familiale dans le pays d'accueil ainsi que les liens avec le pays d'origine. C'est seulement dans des circonstances exceptionnelles, pour des motifs impérieux de sécurité publique, qu'une mesure d'éloignement peut être prise contre un citoyen de l'Union s'il a séjourné dans l'État d'accueil pendant les dix années précédentes ou s'il est mineur.
6) La décision de refus d'entrée ou d'éloignement doit être notifiée à l'intéressé. Elle doit être motivée, et les moyens de recours et les délais à respecter doivent y être indiqués. Sauf en cas d'urgence, le délai pour quitter le territoire ne peut pas être inférieur à un mois à compter de la date de notification.
7) En aucun cas la mesure d'interdiction du territoire ne peut prise à vie. L'intéressé peut introduire une demande de réexamen de sa situation après un maximum de trois ans.

La Commission a d'ailleurs publié, une communication qui date un peu (1999) mais reprend en détail les nombreuses jurisprudences sur ce sujet. Jurisprudences basées sur la "citoyenneté européenne" ; la Cour reconnaissant à tout citoyen le droit d'invoquer article 18 du Traité (voir arrêt Martinez Sala notamment).

Nota bene : c'est l'ancien ministre de Berlusconi, aujourd'hui commissaire européen, Franco Frattini qui est chargé de faire respecter cette législation.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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