La cour européenne des droits de l’homme rétablit l’honneur d’un journaliste
(B2) L’arrêt rendu par la Cour européenne des Droits de l’homme, le 28 novembre, est d’une importance fondamentale pour la liberté de la presse. Etait en cause une présomption de corruption d’un fonctionnaire de l’Office européen anti-fraude (Olaf) par un journaliste du Stern, Hans-Martin Tillack, accusation fondée sur une simple rumeur sans aucun fondement, comme l'ont confirmé les juges. (la lecture de l'arrêt est vivement recommandée).
Que disent les juges ?
D’abord de façon générale, ils rappellent les grands principes qui gouvernent la liberté de la presse.
1° "La liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et les garanties à accorder à la presse revêtent une importance particulière.
2° "La protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse. L'absence d'une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d'aider la presse à informer le public sur des questions d'intérêt général.
3° "Si elle ne doit pas franchir certaines limites, tenant notamment à la protection de la réputation et aux droits d'autrui ainsi qu'à la nécessité d'empêcher la divulgation d'informations confidentielles, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilités, des informations et idées sur toutes les questions d'intérêt général
4° "D'une manière générale, la « nécessité » d'une quelconque restriction à l'exercice de la liberté d'expression doit se trouver établie de manière convaincante.
5° Une immixtion (ingérence) dans la liberté de la presse n’est possible que si elle est 1° « prévue par la loi », 2° dirigée vers un ou des buts légitimes (au regard du paragraphe 2) ET
3°« nécessaire dans une société démocratique » pour les atteindre.
Ensuite, la Cour aborde la situation concrète : savoir si les perquisitions au domicile et au bureau du requérant constituaient une ingérence dans ses droits garantis ». La réponse, là aussi, est claire. La loi belge prévoit bien une possibilité d’immixtion (cette loi a d’ailleurs été changé). En revanche aucun but légitime (et) nécessaire dans une société démocratique n’était remplie pour la Cour.
Citons :
« L'enquête interne n'ayant pas pu révéler l'identité de l'auteur de la fuite, l'O.L.A.F. déposa, le 11 février 2004, une plainte contre le requérant auprès des autorités judiciaires belges qui ont ouvert une instruction pour corruption active et passive de fonctionnaire. Le 19 mars 2004, le domicile et le bureau du requérant furent perquisitionnés »
« Au moment où les perquisitions litigieuses eurent lieu, il est évident que celles-ci avaient pour but de dévoiler la provenance des informations relatées par le requérant dans ses articles. L'enquête interne à l'O.L.A.F. n'ayant pas produit le résultat escompté et les soupçons de corruption de la part du requérant étant fondés sur de simples rumeurs, comme l'avait relevé à deux reprises l'enquête du médiateur européen en 2003 et 2005, il n'y avait alors aucun impératif prépondérant d'intérêt public pouvant justifier de telles mesures. »
« La Cour souligne que le droit des journalistes de taire leurs sources ne saurait être considéré comme un simple privilège qui leur serait accordé ou retiré en fonction de la licéité ou de l'illicéité des sources, mais un véritable attribut du droit à l'information, à traiter avec la plus grande circonspection. Ceci vaut encore plus en l'espèce, où le requérant était soupçonné sur le fondement de vagues rumeurs non étayées, ce qui s'est confirmé par la suite par le fait que le requérant ne fut pas inculpé. »
C’est clair, net et sans bavure
Et les juges d’attribuer : 40 000 euros de dommages et intérêts pour Hans-Martin Tillack (10 000 euros de dommages moraux et 30 000 euros au titre des frais de procédure). Ce n’est que justice !
Merci à Hans-Martin d'avoir mené, durant plusieurs années, un combat souvent solitaire mais qui a fini par lui rendre justice (son blog).
A cela, la Commission européenne (écoutez les échanges parfois vifs avec la presse) et surtout l’Olaf (qui a mis tout de même 48 heures à réagir, lire le communiqué de presse) ne trouvent rien à répondre sinon qu’ils ne se sentent pas concernés car seule la Belgique est condamnée. Aah Lâcheté quand tu nous tiens…
(NGV)