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Mission PESD Tchad. Déploiement bloqué par manque d’engagement des Etats membres

(BRUXELLES2) Alors que les combats ont repris dans l’Est du Tchad entre les forces rebelles et le gouvernement tchadien, faisant voler le cessez-le-feu en éclats, le général irlandais commandant la mission militaire européenne qui doit se déployer dans la région, Pat Nash tente, une nouvelle fois, d’obtenir l’engagement politique nécessaire des États membres. Il a ainsi rendu compte, le 28 novembre, aux 27 ambassadeurs du Comité de politique et de sécurité (COPS) des difficultés qu’ils rencontrent dans la montée en puissance de la mission EUFOR Tchad RCA.

Un problème d'hélicoptères

Les données du problème sont bien connues (lire aussi : EUFOR Tchad, pas d’avancée à la 3e Conférence de génération de force). Si les effectifs humains sont à peu près suffisants, les moyens aériens et héliportés (6 avions et 15 hélicoptères au minimum) et la logistique font toujours défaut. Même si les principales armées européennes sont actuellement à flux tendus pour les moyens aériens tactiques, ce n’est pas tant l’absence d’appareils en soi qui fait défaut mais davantage une question de financement et de volonté politique.

Un problème de financement

Plusieurs pays sont prêts à fournir des matériels nécessaires (France, Roumanie…) mais à condition d’obtenir une prise en charge, au moins partielle, de ces équipements. A défaut, d’ailleurs, ce type de matériels peut parfaitement se louer auprès des fournisseurs habituels (ukrainiens, américains notamment).

Un manque de volonté patent

La plupart des gros États membres rechignent cependant à faire un effort, s’estimant trop engagés par ailleurs.

Le Royaume-Uni, malgré un engagement politique important — il est avec la France à l’origine de la résolution de l’ONU sur le Darfour — est mobilisé en Irak et en Afghanistan.

L'Allemagne — présente en Afghanistan, Bosnie et au Kosovo —ne veut pas payer plus que sa quote-part au titre du mécanisme Athena (20 millions). « Les pays qui participent à une mission doivent en supporter les coûts. Il n’est pas question pour nous de changer cette position » commente un diplomate allemand.

L’Italie — engagée au Liban notamment — n’a plus de budget disponible. C’est donc au niveau politique « au plus haut niveau de trouver une solution » affirme-t-on au Conseil. Cette question sera ainsi à l’ordre du jour du sommet franco-italien, à Nice vendredi, entre le président du Conseil italien, Romano Prodi, et le président de la République française, Nicolas Sarkozy.

L’obtention des forces nécessaires est, en effet, nécessaire pour boucler le plan d’opération (OpPlan) qui, une fois approuvé, permet le déclenchement officiel de l’opération et le déploiement sur le terrain. Celui-ci devra donc être déployé avec retard. En attendant, ce sont les forces françaises – dans le cadre de la coopération militaire bilatérale avec le Tchad  - en première ligne à Abéché et dans la région, qui fournissent hélicoptères et moyens médicaux aux troupes gouvernementales, en proie aux attaques rebelles, depuis lundi (faisant de part et d’autre plusieurs centaines de morts et blessés).

Ce retard n’est « pas exceptionnel » dans ce type d’opérations, tempère cependant un vieux routier des négociations diplomatiques. Pour « l’opération Althea, il a fallu des semaines de négociation au sein de l’Otan. De même le déblocage de l’opération au Congo, n’a été obtenu qu’après un accord au sommet entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Jacques Chirac » rappelle-t-il. « Ce n’est que pour l’opération Artémis (au Congo en 2003), où on risquait des massacres, ou pour la mission en Indonésie à Aceh, après l’accord de paix, que cela a été assez vite ».

En quelques mots
  1. Les forces proviennent d’une dizaine d’Etats membres : Autriche (160 Pax), Belgique (100), Espagne (50 + 2 avions), Finlande (40), France (1400 + heures de vol), Grèce (1 avion), Irlande (400), Luxembourg (2 officiers de liaison), Pays-Bas (100), Pologne (350), Roumanie (120), Suède (200 jusqu’à 490). Le Portugal, la Slovénie et la Macédoine seraient aussi prêts à une participation modeste.
  2. La mission est financée, pour une petite part, par tous les Etats membres en fonction du PIB selon le mécanisme communautaire de solidarité (Athena) ; pour le reste, par chaque Etat engagé dans l’opération (salaires, moyens matériels…).
  3. Environ 50 millions euros ont été débloqués par la Commission européenne pour le Tchad et la république centrafricaine : 30 millions € en 2007 (idem en 2008), au titre du volet humanitaire, pour venir en aide aux populations déplacées (géré par l'Office européen d'aide humanitaire, Echo) ; 13 millions € en 2008 (dont 3 millions € pour la RCA) pour le volet réhabilitation, reconstruction, et développement ; 10 millions € en 2008 pour la sécurité dans les camps avec un appui à la police tchadienne.
  4. Dans la zone de déploiement de l’Eufor, il y a actuellement 230.000 réfugiés soudanais, 170.000 déplacés internes (originaires du Tchad) et 300.000 Tchadiens en situation de vulnérabilité.

(Nicolas Gros-Verheyde)
Paru dans Europolitique, novembre 2007

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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