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Avec le futur Traité de Lisbonne, la fin d’un cycle, le début d’un autre ?

(BRUXELLES2) La conférence intergouvernementale (CIG) qui se clôture le 19 octobre par un Traité qu’on peut appeler « Traité de Lisbonne » est « historique » à plus d’un sens.

La fin des Communautés

Elle permet de clôturer plus de quinze ans de discussion sur l’Europe politique et la réforme des institutions. Un débat entamé lors de la confection du traité de Maastricht et toujours reconduit de CIG en CIG (les fameux « left-over »). Symboliquement, les Communautés européennes disparaissent. Avec le Traité rebaptisé « fonctionnement de l’Union européenne », ce terme s’efface, en effet, au profit de « l’Union européenne ».

Cette CIG coïncide également avec la fin de la dernière phase d’élargissement aux pays de « l’autre coté du mur », la Roumanie et la Bulgarie ayant été les derniers des pays à intégrer l’Union début janvier. Il restera encore à « avaler » l’intégration des pays issus de l’ex-Yougoslavie. Ce qui est un problème avant tout politique et de pacification du continent.

Certes le mandat donné à cette Conférence intergouvernementale a pu sembler un peu obscur et complexe. C’était - ne le cachons pas - son objectif principal. Comment rassembler sinon eurosceptiques et fédéralistes, partisans du Oui et du Non à la Constitution, sans tresser cet écran de fumée. Tout le talent des responsables politiques et des experts juridiques, qui ont planché sur ce texte, a consisté à rendre très discret le fait que le texte proposé ressemble à deux gouttes d’eau près à celui du projet de Constitution. « En mieux ».

La fin d'une illusion

Le mieux, c’est ce rééquilibrage des objectifs, ce protocole sur les services d’intérêt général - qui ne doit pas être négligé et dont l’importance se vérifiera au fil des années -, c'est une nouvelle base juridique pour la solidarité énergétique. C’est aussi la suppression de tous les symboles et apparences d’un « Super Etat ». Bien sûr le désir affirmé, la volonté originelle de l’Europe était de rassembler les Européens. Ceci était réaffirmé. Mais était-ce vraiment pour vivre dans un seul cadre, un seul moule. Le concept « des Etats-Unis » pour l’Europe serait-il le meilleur cadre et le meilleur modèle qu’on puisse rêver ? Et, surtout, était-il possible à mettre en pratique?

L’utilité de cette CIG a donc été de mettre fin à certaines illusions qui étaient nées avec la projet de Constitution européenne. Le travail mené par l’équipe de Valéry Giscard d’Estaing était certainement utile, mais un rien mégalomane et avait un travers principal : l’oubli de la réalité des Etats. Le concept de fédération européenne qui tenait la route à cinq ou six pays, en 1950 ou 1980 n’est plus un modèle aujourd’hui. Entretemps, le mur de Berlin est tombé. Et l’Europe s’est à la fois réunifiée - et non pas « élargie » comme on le mentionne si souvent -, et diversifiée. Cette réunification et cette diversification (idéologique, économique, philosophique) sont une richesse mais ont aussi un prix : revoir certaines de nos conceptions politiques, un peu étroites.

Une Europe retrouvée, réunifiée

Les nouveaux Etats membres ont une conception de l’Union qui n’est pas automatiquement celle des fondateurs, d’une Union sans cesse plus étroite, qui les oblige à abandonner leur souveraineté. C’est cela le nouveau syncrétisme que doit réaliser l’Europe : conserver à chaque pays sa souveraineté, sa saveur, sa couleur tout en ayant des politiques communes ou communautarisées plus nombreuses et diversifiées.

Dans ce contexte, la philosophie originelle de l’Europe - à la Jean Monnet - garde toute sa puissance: des politiques bâties l’une après l’autre, permettant de progresser par petits pas, d’avancer en restant ensemble. Permettre des synergies sans uniformiser totalement, tel est le nouveau défi.

Ainsi les politiques agricole, de transports, de cohésion territoriale, le marché intérieur et la monnaie commune gardent toute leur place, n’en déplaisent à ceux qui voudraient les fossoyer. L’espace de Liberté, Justice et de Sécurité sortira renforcé, discrètement mais sûrement. Des politiques de recherche, d’énergie, de défense… pourront se mettre en place. Les politiques extérieures, de défense et de sécurité, enfin, trouveront ici la place qu'elles auraient dû avoir depuis des années, et particulièrement depuis 1990, quand les Douze alors envisageaient la mise en place d'une Europe politique aux cotés d'une Union économique et monétaire.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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