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La pénurie d’emploi qui grignote oblige à changer le discours social européen

(B2) Dans un contexte européen où le chômage dépasse encore les 10% dans plusieurs pays, la pénurie d’emploi devient une question sociale aussi préoccupante. Elle guette non seulement certaines zones géographiques - dans le nord de l’Europe particulièrement -  mais aussi presque partout certains secteurs professionnels. Le bâtiment, certaines technologies, la santé ou le secteur social sont sérieusement affectés dans quasiment tous les pays européens, y compris à l’Est et au Sud de l’Europe. La Roumanie, la Pologne, la République tchèque, par exemple, sont gravement affectés, à la fois par la baisse des vocations et le départ de leurs professionnels dans d’autres contrées, plus riantes, car elles offrent des conditions de travail et des salaires plus important, menaçant la pérennité et la qualité de ses services. La principale priorité du document que prépare le commissaire Kyprianou sur les Services de santé ne devrait-elle pas être celle-là?

Les priorités politiques européennes recèlent des solutions qui appartiennent au passé
Les causes sont diverses mais sont souvent communes : peu d’attrait de certains métiers particulièrement difficiles, manque de formation ou d’écoles disponibles, numerus clausus, conditions de rémunération ou d’horaires difficiles. Les priorités de la politique européenne de l’Emploi risquent d’en être bouleversées. Si l’importance de la formation professionnelle, initiale ou tout au long de la vie, doit encore être renforcée, d’autres questions viennent sur la table de négociation. Un point sensible, notamment dans les Nouveaux Etats membres, qui soutiennent l’idée d’un Fonds de compensation. D’autres instruments de solidarité intra-européenne ne devraient-ils pas être étudiés ?

Etudier de nouveaux instruments de solidarité
Car certaines politiques prônées au plan européen, comme une plus grande flexibilité ou mobilité des travailleurs, si elles viennent résoudre des problèmes dans certains pays souffrant de pénuries, peuvent aussi, parallèlement, entraîner des effets pervers et déstabilisateurs dans les pays les plus pauvres où les salaires sont les plus bas. De même, la recherche d’un nouvel équilibre de flexicurité n’aura-t-il vraiment d’efficacité que si le volet « sécurité » est préalable ou prime au volet « flexibilité » qui préexiste déjà sur le marché actuel du travail ? Le renforcement des législations sur le temps de travail ou le travail temporaire retrouvent ainsi un net intérêt économique.
Le risque d’une tension sur les salaires ne doit pas non plus être négligé, même si ses conséquences au plan macroéconomique, sur l’inflation, sont difficilement évaluables. Cette tension est déjà visible pour certaines professions (le cas des ouvriers du bâtiment ou des conducteurs d’autobus est patent en Pologne, selon certaines informations). Certes elle a un effet positif pour les salariés concernés, et contribue lentement à gommer les trop grandes différences de salaires en Europe. Mais elle introduit également au sein de chaque pays des disparités d’autant plus importantes que subsistent des « poches » de pauvreté importantes.

Remettre le focus sur l'inclusion et l'intégration sociales
Les politiques d’inclusion sociale, qui sont devenues davantage une antienne académique au plan européen, qu’une priorité politique concrète, doivent retrouver une vigueur nouvelle, de même que la politique d’intégration des étrangers. Le recours à une immigration, nouvelle, voire massive, ne pourra, en effet, se résoudre et être comprise par les opinions publiques que s’il s’accompagne d’un fort soutien – financier, politique, matériel – pour l’intégration tant des « anciens » immigrés que des « nouveaux ». Certains responsables politiques l’ont compris, notamment à la Commission européenne avec Franco Frattini et Vladimir Spidla. Mais le message ne perce pas encore vraiment dans des opinions, confortées depuis des années, dans la croyance aux dangers de l’immigration, et à qui on a répété régulièrement que
l’option « 0 » était la seule bonne.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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