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Marché intérieur

La Commission condamnée à payer 400 millions d’euros à Schneider

(B2) Schneider vient de gagner une bataille judiciaire. A la surprise générale, le Tribunal de Première instance des CE a, en effet, reconnu, hier à Luxembourg, la responsabilité de la Commission européenne dans l’exercice de son pouvoir d’autorité de la concurrence, pour la fusion ratée Schneider-Legrand. Un jugement sans précédent! (l'arrêt : affaire T-351/03)

L'affaire remonte à 2001. Schneider et Legrand avaient vu leur projet de fusion, qui devait créer le numéro un mondial de l'appareillage électrique, bloqué par la Commission européenne. Si ce veto avait été annulé peu après par la justice européenne (premier arrêt), Schneider avait payé le prix lourd. Entretemps, il avait dû le revendre aux fonds d'investissement Wendel et KKR pour 3,6 milliards d'euros une entreprise acquise pour 5,4 milliards d'euros. Perte sèche ! Piqué au vif, Henri Lachman, le PDG avait décidé d’attaquer l’exécutif européen en lui demandant … 1,6 milliards d’euros de dommages et intérêts.

Le Tribunal, d’ordinaire très réticent à admettre la responsabilité des institutions européennes, n’a pas mâché ses mots. Composée notamment du français Hubert Legal, la quatrième chambre du Tribunal a estimé que la Commission a commis ce qu’on pourrait appeler une faute lourde. Selon les juges, « la méconnaissance grave et manifeste par la Commission des droits de la défense de Schneider constitue une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire ». Une violation que ne peut « trouver ni justification ni explication dans les contraintes particulières pesant sur les services de la Commission ».

Deux dommages. Le tribunal reconnaît à Schneider deux motifs d’indemnisation : la reprise du contrôle de l’opération de concentration après le premier arrêt du Tribunal et la réduction du prix de cession qu’a dû consentir Schneider à Wendel/KKR pour obtenir un report de l’effet  de cette cession (à raison de deux tiers pour ce dernier préjudice).

Evaluer le préjudice. Les deux parties vont devoir se mettre d’accord maintenant sur le montant de l’indemnisation. Ce qui n’est pas une mince affaire. On parle d'un préjudice de l'ordre de 400 millions d'euros au bas mot. (soit quatre années d'exercice du programme Progress, de solidarité sociale, valable pour les 27 Etats membres). Un expert indépendant va être commis pour tenter d’y voir clair. Mais la bataille juridique ne semble pas terminée. La Commission européenne devrait rapidement saisir la Cour de justice pour essayer d’obtenir cassation de ce jugement. Le feuilleton Schneider-Europe n’est pas, tout à fait, terminé.

Hic budgétaire. Quel que soit l'issue de ce deuxième, éventuel, recours (qui n'est pas suspensif notamment), il va falloir aussi que les institutions européennes cherchent comment payer l'ardoise. Le montant jamais  envisagé en matière de dommages-intérêts pose plusieurs questions : où trouver cette somme (dans le budget) ? Comment faire ? Ce n'est pas une mince affaire quand on sait que les chefs de gouvernement et le Parlement ont mis de longs mois à se mettre d’accord sur quelques milliards de budget , on mesure la difficulté du problème.

(NGV)

NB : rappelons que le comité d'entreprise de Legrand et le comité européen du groupe Legrand s'était opposé à la fusion et était intervenu dans la première affaire (celle sur la concentration Schneider-Legrand) aux cotés de la Commission européenne.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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