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Au Sommet européen, les nuits seront blanches

(B2) Les sourires sont crispés, les mines déjà tirées, les embrassades rapides. Les dirigeants européens qui arrivent, un par un, ce jeudi, au Justus Lipsius, le siège du Conseil de l’Union européenne, essaient, chacun, de faire preuve d’optimisme. Mais on sent bien que les esprits sont ailleurs.

Distrait, ou volontairement, le Polonais Lech Kaczynski essaie d’ailleurs d’éviter la photo et la poignée de main avec la présidente de l’Union, la chancelière allemande Angela Merkel. Nicolas Sarkozy passe très vite. A peine les premières marches montées, Tony Blair rappelle ses revendications principales et les quatre lignes rouges sur lequel il n’entend pas céder, comme  la Charte des droits fondamentaux ou le Ministre des affaires étrangères. Le ton est donné. Sous les yeux des photographes, Angela Merkel engage la discussion avec Tony Blair, échange quelques dernières informations avec José-Manuel Barroso. Les nuits seront blanches...

Les premiers coups étaient partis dans l’après-midi lors des réunions de chaque groupe politique, qui précèdent traditionnellement un Sommet. La déclaration de Lech Kaczynski, parue dans le Financial Times, sur la seconde guerre mondiale — « Sans la guerre, la Pologne aurait 66 millions d’habitants » – a entraîné une réprobation générale. « On ne peut pas vivre sans cesse dans le passé » a répliqué Andrus Ansip, premier Ministre estonien. Et le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, jouant le rôle du sage, a rappelé aux autres dirigeants que c’est justement Helmut Kohl qui avait insisté, au nom de l’histoire, pour que la Pologne fasse partie du premier train d’élargissement.

A la réunion des dirigeants socialistes, Tony Blair avait été pris pour cible. « Il est hors de question de toucher au Ministre des affaires étrangères, si c’est le cas, je m’en vais » a déclaré l’Espagnol Zapatero. Les partisans de la Constitution partent à l’attaque. Quant aux Français, ils s’affichent, sous la bannière de Nicolas Sarkozy, comme le plus fidèle soutien de la présidence allemande. « Il n’y a pas l’ombre d’une feuille à cigarette entre eux et nous » affirme un diplomate. Un accord ne semble cependant pas hors de portée. Des propositions de compromis étaient ébauchées durant la nuit pour rallier les uns et les autres.

Ce Sommet sera aussi le dernier du Belge Guy Verhofstadt et du Britannique Tony Blair. Deux hommes que tout a opposé jusqu’ici et que tout oppose encore. Le premier était pressenti pour prendre la tête de la Commission européenne en 2004, le second y a mis son veto. Le premier a toujours défendu une vision fédéraliste de l’Europe. « Les Etats-Unis d’Europe » est le titre de son dernier livre. Le deuxième, une vision intergouvernementale très proche finalement de celle Margaret Thatcher.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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