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Politique sociale

Une Europe sociale, de façade, qui ressemble davantage à la charité

(B2) Les licenciements à Volkswagen Forest (près de Bruxelles) ont soudain rappelé à certains responsables européens, qui vivaient sur un beau nuage de la croissance économique indolore, qu'ils n'avaient - oh horreur ! -, que peu d’instruments à disposition face aux délocalisations et restructurations internes.

Car l'Europe sociale est actuellement un chantier laissé à l’abandon. Un corps de normes qui est encore à l'état de minima, bien souvent. Echaudé par l’absence d’accord des Etats membres sur la modification de la directive « temps de travail », la Commission lambine sur la révision – pourtant promise - des directives sur les Comités d'entreprises européens ou sur le Détachement des travailleurs. L’objectif affiché est de mieux appliquer le droit existant. Mais celui-ci reste le plus souvent laissé au bon vouloir des Etats membres. Contrairement à d'autres secteurs, en matière de fiscalité par exemple, où on voit poindre le bout du bâton à peine une infraction est esquissée ; dans le domaine social, il faut attendre souvent plusieurs années pour que la Commission européenne se décide à agir. Et encore, est-ce souvent fort discrètement. Le le plus souvent, d’ailleurs, on laisse passer et on attend patiemment l'arme au pied. Voici l'Europe sociale.

Le reste n'est pas mieux. La politique industrielle de la Commission - menée par Günther Verheugen - est proche du Zéro. La réflexion sur les restructurations se résume à : "la restructuration, c'est bon pour l'économie". Sur le postulat que ce qui est perdu en emplois d’un coté, est regagné de l’autre, on oublie le principe de réalité : ce ne sont pas toujours au même endroit ni les mêmes personnes qui bénéficient des nouveaux emplois. Bien sûr il y a un gentil forum "restructurations" permettant à de « gentils animateurs » de se réunir tous les trimestres pour réfléchir sur les restructurations, comment y procéder, comment le faire de façon moins brutale. Mais ce n'est pas sérieux.

Aucune réflexion n'existe sur le fait que c'est souvent grâce aux subventions, réductions fiscales et exonérations de charges que se sont développées ces usines. Aucune réflexion non plus n'existe sur le ratio "bénéfices de l'entreprise = pertes d'emploi pour les salariés". Aucune réflexion enfin sur la nécessité d'une politique fiscale à mettre en place.  Non... Ce sont souvent les mêmes qui, dans le fond d'un bureau, abrité par un solide statut de fonctionnaires à vie, qui vous expliquent doctement : "il n'y a plus d'emploi à vie", "adaptez-vous", "prenez des risques"...

En fait, l'Europe sociale selon l'équipe de José-Manuel Barroso, qui dirige la Commission européenne, c'est un peu l'idée de la charité et des dames patronesses du XIXe. "Pauvres
travailleurs ! Si on peut faire quelque chose pour vous aider. Dites-le nous..
. ".

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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