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Services d’intérêt général : l’Europe pourrait avancer ?

(article paru en octobre 2006) (Archive B2) Le Parlement européen a approuvé, à une large majorité (491 voix pour, 128 voix contre et 31 abstentions), un rapport d’initiative sur les Services d’intérêt général (SIG).  Bien que solidement étayé, ce rapport rédigé par le social-démocrate allemand Bernhard Rapkay  est d’une tonalité moins audacieuse que les précédents : rapports Langen en 2001 et Herzog en 2004. « Entre les tenants du non législatif, se contentant d’une interprétation par les arrêts de la Cour et par la Commission, et les tenants d’une régulation par la loi, le compromis est là », justifie Ieke Van den Burg, coordinatrice du PSE sur les SIG : « il faut de nouvelles propositions de la Commission européenne, un débat politique, dans lequel le Parlement européen soit impliqué, avec le respect de la procédure de codécision ».

Au-delà des appréciations politiques divergentes, le principal intérêt de ce rapport concerne l’autonomie locale, qui est clairement mise en avant, et la revendication une directive pour les services sociaux et de santé (SSIG).

Des initiatives législatives
Le Parlement invite ainsi la Commission "à proposer des initiatives juridiques appropriées" sur les SIG en préconisant le recours à la procédure de codécision, lorsque le Traité le prévoit. Le mot de « directive-cadre » n’est pas prononcé, au grand dam de certains députés, notamment à gauche. Mais il s'oppose à l'idée d'utiliser cet exercice pour "exonérer de vastes secteurs de ces services de l'application des règles gouvernant le marché intérieur et la concurrence". Il défend plutôt une approche sectorielle. Une approche « va permettre d’ouvrir les marchés, au lieu d’une réglementation visant à sauver de vieux services publics monopolistiques, et aura comme résultat des prix plus bas, de meilleurs services, une concurrence transfrontière » explique le shadow rapporteur du groupe PPE-DE (chrétien-démocrate), Gunnar Hökmark (Suède). Le rapport se prononce en effet pour que la Commission étende son action sectorielle — déjà expérimentée dans les transports ou les télécoms — à d’autres secteurs. Il demande une directive spécifique aux services sociaux et de santé. Les parlementaires demandent aussi une certaine clarification de la distinction entre les services d’intérêt général (SIG) les services économiques (SIEG) même s’ils considèrent, par ailleurs, que cette distinction est difficile à établir.

Préserver l’autonomie locale
Le deuxième enjeu de ce rapport est la clarification des règles de financement du service public. Les parlementaires souhaitent ainsi que lorsqu’une autorité compétente identifie un service public, elle définisse les obligations de service public soit par une procédure équitable et transparence, soit par un acte officiel approprié qui satisfasse au critère de transparence. Le rapport précise les moyens de financement à disposition et reprend les critères définis par la jurisprudence sur la compensation de service public. Cette compensation doit pouvoir être disponible à tous les opérateurs qui fournissent un SIG, quel que soit son statut, recommande le rapport.  Mais il refuse les « financements croisés », quand l’aide publique vient financer les activités hors de l’objectif du service visé. Les parlementaires s’inquiètent du manque de clarté de la décision du 28 novembre 2005 de la Commission sur les compensations de service public et appellent à une clarification supplémentaire.
Le troisième aspect du rapport, et sans doute le plus délicat, porte  sur les délégations et concessions de service public. Les multiples arrêts de la Cour de justice sur les services « in house » ont irrité les collectivités locales, en Italie et en Allemagne surtout.
Le « principe d’autonomie » des autorités locales doit être respecté, rappelle le rapport sur tous les tons. C’est à l’autorité compétente de décider par quel moyen elle entend fournir le service, soit directement, soit en le confiant à un prestataire externe, en exerçant le même contrôle que si le service avait été fourni en interne. Des exceptions à l’obligation d’appel d’offre doivent être prévues en cas d’urgence ou de faible impact sur les échanges transfrontières… Le rapport appelle ainsi la Commission à clarifier les directives sur les marchés publics, en donnant la possibilité aux autorités locales de confier leurs services directement à des entités intercommunales, ou aux sociétés sous son contrôle et qui n’interviennent pas sur les marchés concurrentiels.

La proposition de la Commission
La Commission européenne a proposé d’aller de l’avant sur les SIG. « Une communication sera présentée d’ici la fin de l’année », a annoncé José-Manuel Barroso, son président. « Le temps est venu pour nous de consolider le cadre réglementaire ». Un cadre fondé sur quatre principes. Premièrement, la subsidiarité. « le cadre des SIG fournis demeure de la responsabilité des États membres ». Deuxièmement, la primauté du service public. « En cas de conflit insoluble entre les règles du marché intérieur ou de la concurrence et une mission d’intérêt général, la mission d’intérêt général doit primer. La Commission peut fournir toute précision nécessaire. » Troisièmement, l’ouverture. « Tout cadre doit être ouvert aux différences et favorable à la modernisation. Il doit être fondé sur les objectifs de qualité élevée, de bon rapport qualité-prix et d’accès universel. » Enfin, la sécurité juridique. « Il incombe aux pouvoirs publics de tous les niveaux de préciser les règles applicables aux SIG. »

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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