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Asie

Philippe Morillon: protéger l’Afghanistan de ses voisins (ou) une menace venue du Pakistan

(B2) L’ancien général Philippe Morillon, qui siège au Parlement européen (UDF - ALDE), rentre d’Afghanistan où il a observé les élections avec sept autres de ses collègues. Compte-rendu à son retour de mission (article publié le 24 septembre 2005 dans Ouest-France).



Comment avez-vous été accueillis ?

P.M. – Je suis revenu surtout dans cette vallée du Panchir où j’avais été reçu il y a cinq ans par Massoud. L’accueil était chaleureux et émouvant. La population est restée très attachée à la personnalité de ce qui est leur chef. Et les Français sont particulièrement appréciés. Le souvenir de ces jeunes médecins et infirmières français risquant leur peau, il y a 20 ans, dans ces montagnes, résonne encore très fort.

Les élections se sont-elles aussi bien passées qu’on le dit ?
P.M. - C’était loin d’être parfait, bien sûr, mais c’est mieux que ce qu’on pouvait espérer. C’est un soulagement. Tout le monde est cependant bien conscient que ce n’est pas tout d’un coup, avec des élections, que va s’installer la paix et la démocratie. C’est un nouveau pas en avant, important mais pas définitif. Ce qu’ils attendent de nous maintenant, ce n’est pas tellement sur le plan intérieur, c’est qu’on les protège de leurs voisins. Si l’Alliance atlantique doit prendre l’ensemble de la mission, ce doit donc être avec un mandat très clair de l’Onu sur le contrôle des frontières. Ce ne sera pas facile mais il faudra le faire. L’Occident doit démontrer qu’il n’abandonnera pas les Afghans comme nous l’avons fait, d’une certaine façon, après le retrait de l’armée soviétique.

Le pays semble cependant traversé de violences internes ?
P.M. - Quand on dit que le régime est menacé, au Sud et à l’Est, il l’est surtout par ses voisins, à commencer par le Pakistan. Il faut être clair. Pas par le gouvernement directement. Mais les services secrets pakistanais, qui ont toujours été panislamistes, sont à l’oeuvre. Cette fameuse zone incontrôlée sur laquelle l’autorité du gouvernement n’a jamais été établie alimente toutes les actions talibans. De nouveaux jeunes fanatiques sortis des madrassas arrivent en permanence. Un Afghanistan qui réserve un quart des sièges au Parlement aux femmes ou confie comme à Bamian, le poste de gouverneur à une femme — ce qui dans un Etat qui reste féodal n’est pas rien —, ne plait pas forcément à ses deux voisins puissants que sont le Pakistan et l’Iran.

Et, dans la vie quotidienne, les changements sont-ils perceptibles ?
P.M. - Le changement est flagrant. La vie a repris. A Kaboul, d’année en année, on voit la reconstruction spectaculaire. La route dans la plaine de Shomali est superbe, presque une autoroute moderne. A Bamian, dans le centre, en province azérie, lieu des fameux « boudhas », la rue principale traditionnellement dévolue aux boutiques et touristes, totalement détruite durant la guerre, reprend des couleurs. Les fils des boutiquiers d’il y a 30 ans ont reconstruit toutes les échoppes sur 200 mètres, il n’y a pas encore de touristes, mais ils les attendent. Tout cela prouve une confiance, d’une population saturée de violence qui aspire à la paix et stabilité et qui, surtout, est vaccinée contre la « connerie » des talibans.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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