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Terrorisme. L’Europe se met en ordre de bataille, dispersée

(archives B2 *) Les 25 ministres de l'intérieur de l'Union européenne trouveront aujourd'hui sur la table plusieurs propositions. L'émotion des premiers moments semble passée, après les attentats de Madrid. Et les vieilles "mauvaises" habitudes reprennent le dessus

Un super-fichier des organisations terroristes et de leurs membres, un organe central assurant les échanges d'informations, la traçabilité et le contrôle des armes de la terreur, les listes des interdits de séjour établis sans droit de veto... Voici quelques unes des mesures que doit proposer aujourd'hui la Commission européenne aux 25 ministres de l'Intérieur, réunis en session spéciale à Bruxelles. Le tout étant complété par une déclaration de solidarité, version moderne du « un pour tous, tous pour un » de D'Artagnan. Chaque Etat s'engageant à tout faire pour « prévenir le terrorisme sur son territoire » et « d'assister » celui d'entre eux qui serait victime d'un acte terroriste. Des dispositions qui ne suscitent pas tout à fait un enthousiasme unanime. C'est le moins qu'on puisse dire.

Divergences...

Lors de la réunion des ambassadeurs, qui se prolongeait encore en soirée hier, les divergences d'appréciation n'ont pas tarder à ressurgir. Ainsi plusieurs Etats - la France et l'Allemagne notamment - ne sont pas « très, très chaud », comme l'indique un diplomate, à l'idée de créer ne serait-ce que l'embryon d'une agence européenne de renseignement. Alors... la CIA européenne — dont certains rêvent — ce n'est pas pour demain !

Au coeur de la souveraineté

Une réaction logique pour Anne Weyembergh, universitaire spécialisée sur la coopération pénale. « Nous sommes ici au cœur de la souveraineté nationale. Dans ce secteur réservé, les résistances des Etats sont nombreuses. » Sur la mise en place de nouvelles mesures, cette chercheuse à l'Institut d'études européennes de Bruxelles reste sceptique. « Avant tout, il faudrait que tous les textes adoptés soient appliqués, que tous les instruments déjà en place fonctionnement correctement ». Aujourd'hui, en effet, explique Anne Weyembergh « les décisions en matière pénale sont décidées à l'unanimité. Il suffit qu'un seul pays ne soit pas d'accord pour bloquer. L'accord se fait ainsi sur le plus petit dénominateur commun. » En clair, la mesure la moins ambitieuse.

Transposition lente

Les ministres, une fois retournés dans leur capitale, prennent généralement tout leur temps pour l'appliquer « La transposition est généralement lente, quand elle n'est pas imparfaite ». La raison de ce laxisme ? « C'est très simple » nous répond l'universitaire, «Il n'y a aucune sanction. Contrairement au marché intérieur, la Commission ne peut pas dresser d'avertissements au récalcitrant, le faire condamner par la Cour de justice ». De fait, c'est la prime aux mauvais élèves... « Il faut attendre une catastrophe majeure, pour que les Etats se décident à bouger »., « La meilleure des mesures à prendre - conclue-t-elle - serait d'adopter la Constitution européenne car elle permet de sanctionner les Etats qui traînent des pieds ». L'Europe saura-t-elle se doter des moyens de ses ambitions ?

(Nicolas Gros-Verheyde) - paru dans France-Soir, mars 2004

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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