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Bashung en tournée

C’est au Cirque Royal de Bruxelles et à l’Aéronef de Lille qu’Alain Bashung a entamé sa nouvelle tournée. L’homme est peu prolixe d’apparitions publiques. Presque neuf ans sans le voir sur les planches, l’attente serait-elle à la hauteur ?

(B2) Lumières, images, sons, textes, quand Bashung vient sur scène, ce n’est pas par hasard. Tout y est réglé comme du papier à musique, pour le grand plaisir des yeux, des oreilles et des sens. Sur les deux écrans rectangulaires, placés de part et d’autre de la scène, défilent les images de la vidéaste Dominique Gonzalez-Foerster. Beaucoup d’eau et de rochers. Des paysages lunaires, désertiques, des collines arides, des arbres asséchés comme l’amour… Quand des êtres vivants s’y trouvent, ils se comptent à l’unité, homme ou femme, parfois ensemble, mais souvent seuls. L’humain est ailleurs. Situés à droite et à gauche d’une espèce de plancher en pente, les musiciens laissent à l’Alsacien le soin d’occuper seul l’espace laissé vide, en bas près des spectateurs. Ils sont sept sur scène. Adriano Cominotto aux claviers, Arnaud Dieterlen à la batterie, Brad Scott à la contrebasse, Geoffrey Burton à la guitare électrique, Jean-François Assy au violoncelle, Nicolas Stevens au violon, Yannick Péchin à la guitare livrent un set tiré à quatre épingles, enchaînant et entremêlant cordes glissées – violon, violoncelle – et frappées ou électrisées – guitare, basse – liées par une batterie généreuse qui sait accompagner une montée en puissance. Le tout baigné dans une véritable mise en lumière, orchestrée par Alain Poisson, qui ne se contente d’un simple éclairage de salle de sports mais donne aux chansons toute leur couleur, et laisse goûter toute la saveur des chansons.

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Tout de noir vêtu, blouson et pantalon de cuir souple, gilet noir, lunettes noires, Alain Bashung irradie le sombre. La main placée souvent devant le visage comme pour se protéger des autres, ou le doigt lancé sur un quelconque ciel imaginaire. Très rock’n roll attitude. A portée de main, une table de bistrot en acier trône, portant en évidence un verre de ce qui pourrait être du whisky à moitié vide et un cendrier, vient disputer la primeur du devant de scène. On pourra y voir un hommage au parolier disparu ou mise en exergue de l’appartenance à cette tribu gainsbourgeoise du bar, de la clope et de la biture, vieille tradition de la chanson rock française s’il en est.

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L’ensemble de son répertoire déboule selon une alternance savamment dosée : ancien et nouveau, sage ou rock, étrange ou enjoué. L’artiste puise un peu partout, principalement dans ses albums « Novice » (Etrange été, Légère éclaircie) et « Fantaisie militaire » (La nuit je mens, Mes prisons, Angora, 2043). « Osez Joséphine », « Chatterton » ou « Roulette russe » sont aussi mis à contribution. Parfois règne une atmosphère plus désenchantée comme dans ces westerns quand tous les combats ont cessé, quand cow boys et indiens se sont retirés, et que ne restent que quelques ruines calcinées, quelques femmes et des enfants apeurés. Vieille référence à cette Amérique dont il a souvent rêvé à défaut de la vénérer. Mais c’est surtout le petit dernier, « l’imprudence » qui date d’à peine un an, que Bashung se fait une ferveur de défendre parsemant ses deux heures 30 de spectacle de ses textes finement ciselés, souvent touchants, toujours parfaits, autour de sa muse fondamentale, l’amour. « Mes bras connaissaient la menace du futur, les délices qu’on ampute pour l’amour d’une connasse » (mes bras). « Tu m'irradieras encore longtemps, bien après la fin » (un Dimanche à Tchernobyl). « Nos corps ont joué. Tellement joué à se toucher à s’effleurer, personne n’a rien vu, faisons envie jusqu’au dégoût… Restons en vie, restons en là » (Faisons envie). « Vertige de l’amour » (de l’album Pizza) vient clore cette première partie. Fin d’une époque. Un rideau translucide vient s’interposer entre l’artiste et la salle.

A la reprise, Gaby et Mauricette viennent secouer un public quelque peu ankylosé. Le rideau se teinte de traits rouges. Une bulle de plastique descend du plafond, des cintres du théâtre. Dedans, lovée, une femme, à haut talons. Plastique ou réelle ? Comète ou duo ? La bulle finit par s’enfoncer dans le sol pour en laisser ressortir une belle, sa belle. « C’est Chloé ma femme » annonce-t-il, tel un jeune communiant venant présenter sa promise à ses parents. Après l’amer et la passion, voilà la douceur. Une voix, râpeuse, qui psalmodie plutôt qu’elle chante. Avec quelques langueurs. Mais l’interprétation du « Cantique des cantiques » est émouvante. Souvenir puisque cet hymne biblique à l’amour et à l’érotisme fut aussi leur chanson de mariage célébré il y a deux ans dans le Pas-de-Calais. Une dernière saccade savoureuse : « Madame rêve », « Ma petite entreprise », « Bijou bijou »… Il est 23h00 ! Le temps de s’en aller. Bashung remet son chapeau, redresse son manteau aux trois-quarts sur les épaules et s’en remonte, théâtral, l’estrade pour disparaître dans le noir des coulisses. Impeccable

Nicolas Gros-Verheyde (à Lille) - article paru sur RFI Musique

> Bashung sera le 16 à Strasbourg, le 17 à Genève, le 18 à Montceau-les-Mines, le 21 à Voiron, le 22 à Clermont-Ferrand, le 23 à Marseille, le 24 à Villeurbanne, le 19 à Toulouse, le 20 à Bordeaux, le 21 à St Etienne, le 22 à Villebon, du 24 au 27 novembre au Bataclan à Paris, puis tout le mois de janvier en tournée qui s’achève le 30 janvier au Zénith à Paris.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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