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Y-aurait-il un syndrome des Balkans ?

Y-aurait-il un syndrome des Balkans, comme il y a aurait un syndrome du Golfe ?

Les témoignages de plusieurs soldats belges revenus de Bosnie, de Croatie ou du Kosovo le laisseraient supposer. Marc de Ceulaer, que nous avons rencontré, est de ceux-là. Parti à Visocko, en Bosnie, dans le cadre des opérations de maintien de la paix en 1996, il souffre aujourd’hui de graves problèmes de santé, bien réels, mais dont les médecins n’arrivent pas à cerner la cause. « Quand je suis revenu, je ne me sentais pas très bien, j’étais constamment fatigué, j’avais des troubles de mémoire, j’avais des saignements de nez. J’ai été voir le médecin de l’unité. Il m’a dit c’est psychologique. De petites tâches brunes apparaissaient sur tous mes membres, puis disparaissaient sans raison. J’ai consulté un dermatologue. Les analyses dans un laboratoire spécialisé ont confirmé un problème pathologique mais sans pouvoir préciser la cause. » Depuis, aidé de son syndicat (En Belgique les militaires, professionnels, peuvent se syndiquer), Marc de Ceulaer tente désespérément de déterminer l’origine du mal. Est-ce la pollution de l’eau du fait de l’utilisation de pesticides en abondance par exemple ? « Dans le camp de réfugiés voisin, des réfugiés étaient malades avec des problèmes de peau identiques ». Un peu simple peut-être.

Une pollution chimique plus complexe alors ? « Sur le sol il y avait constamment de la poussière noirâtre que nous inhalions » se rappelle Marc de Ceulaer. Et d’autres soldats envoyés en Croatie souffrent également de maux divers, parfois mortels. « C’est après s’être assis sur des sacs de sable dans une cave pour se protéger des mortiers qu’Éric Vande Ven avait ainsi constaté que son bras était complètement brûlé. Soigné sur place, un an plus tard, il constatait l’apparition de petites tâches. » Depuis ce caporal-chef du 5e de ligne est décédé. Diagnostic : « cancer de la peau ».

L’uranium appauvri pourrait-il être en cause comme le soutiennent certains spécialistes ? Peut-être pas dans tous les cas mais il y a des faits troublants. « Ces symptômes ressemblent étrangement à ceux des sauveteurs qui ont travaillé sur l’accident du Boeing à Amsterdam. » remarque Albert De Villers, président de Syndic. De plus, ajoute Marc de Ceulaer, « Au Kosovo, près du poste-frontière de Jankovic, nos collègues sur place ont relevé des traces d’amiante blanche au sol ».

1/6e des militaires ont problèmes de santé. L’armée a d’abord minoré cette « contamination par l’amiante de quelques soldats » puis, face à l’accumulation de témoignages, a décidé de réagir de façon plus vigoureuse. Les 12 000 militaires belges envoyés depuis 1992 dans les Balkans sont depuis plusieurs semaines invités à se présenter devant l'un de leurs 24 médecins du travail. Les premiers résultats (sur 2000 soldats) parlent d’eux-mêmes ! « Entre 15 % et 20 % de ces soldats se plaignent de problèmes de santé » a ainsi révélé le chef d'état-major du Service médical, le médecin général-major Roger Van Hoof, dans les colonnes du quotidien flamand de Morgen. Inquiétant !

Du coté français : no problem
L’armée française reste fidèle à sa qualité de Grande muette. Aucune trace de risques à l’amiante n’a été retrouvé au Kosovo, affirme le service de communication des armées. « J’ai un rapport sous les yeux de Kumanovo qui n’en parle pas » nous a assuré le médecin-chef Estripeau. « Je ne dis pas qu’il y a pas de problème mais s’il y en a, ces éléments ne sont pas parvenus aux médecins sur place ». Honnêteté scrupuleuse mais quelque peu détonnante. D’après nos informations, les militaires belges auraient transmis un échantillon de poussière contaminée « à un officier français » présent sur place qui aurait promis de « faire une intervention ». Cet échantillon se serait-il perdu ? Ou le mythe Tchernobyl, de l’invincibilité française face aux éléments, aurait-il encore frappé ?...

(Nicolas Gros-Verheyde) paru dans France-Soir, janvier 2001

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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