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Prévenir les conflits doit devenir la priorité européenne (Quinze)

(Archives) Il est moins cher de prévenir un conflit que de les guérir, tel doit être le nouvel axiome de la politique étrangère européenne. Mais l’Europe a bien du mal à parler d’une seule voix.

« Prévenir plutôt que guérir » tel doit être le nouvel axiome de la politique étrangère européenne a résumé le ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, lors du premier débat organisé par la présidence suédoise autour de ce thème. « Il faut faire comprendre que les conflits sont souvent plus difficiles à résoudre que le fait de les prévenir » a-t-il ajouté.

Les quinze ministres des affaires étrangères ont, avec une belle unanimité, opté pour cette orientation de la politique européenne, priorité de la présidence nordique, davantage basée vers la prévention des conflits que vers l’intervention militaire. « Parfois nous sommes arrivés trop tard, parfois nous ne voyons pas l'émergence du conflit", a reconnu, de son coté le ministre italien des Affaires étrangères Lamberto Dini. « La prévention des conflits doit donc devenir partie intégrante de notre pensée normale ».

Cette politique se justifie, estime un rapport remis aux Quinze, car elle est « l'essence même de l'Union européenne, parfaite illustration d'une entreprise réussie de réconciliation, de stabilité et de prospérité ». Mais aussi et surtout car les « conflits entraînent des souffrances humaines et nuisent au développement économique ». En ce qu'ils « engendrent l'instabilité, réduisent les échanges commerciaux, menacent les investissements, et font peser une lourde charge financière due aux coûts de la reconstruction, les conflits sont contraires aux intérêts de l'Union européenne ». De plus « Les dépenses liées à la prévention des conflits sont faibles si on les compare à ce qu'il en coûte de réparer les dommages causés par un conflit ».

Dans cette nouvelle politique, l’Union européenne a un rôle particulier à jouer, car elle est devenue, au fil du temps, le premier fournisseur d'aide au développement et d'aide humanitaire dans le monde, et également le partenaire commercial le plus important. Plusieurs ministres comme le Britannique Robin Cook, se sont cependant demandé si les Européens faisaient « réellement tout », notamment pour limiter la vente des armements « vers l'Afrique, par exemple ». Et le patron du Foreign Office, d’appeler les Européens et les pays candidats à l'Union européenne (UE) à lutter ensemble contre le trafic des armes légères qui « ne devraient pas alimenter les groupes rebelles, mais seuls les gouvernements ».

L'enjeu essentiel pour l'Union n’en reste pas moins de faire preuve de cohérence

« En associant les bons instruments et en les utilisant dans un ordre judicieux, en temps opportun et de manière intégrée » estime le rapport. La complémentarité doit ainsi être développée à plusieurs niveaux : entre les instruments et moyens disponibles, entre les activités des États membres et celles de la Communauté ainsi qu'entre l'Union et ses partenaires internationaux. Car passé l’engagement des mots, la politique extérieure européenne demeure balbutiante. C’est ce qu’ont souligné deux autres rapports soumis aux ministres, l’un par la présidence suédoise, l’autre par le Haut représentant à la politique extérieure, Javier Solana. Celui-ci a ainsi déploré que « l’introduction par chaque nouvelle présidence d’un nouveau plan de travail et de nouvelles priorités » ne permet pas d’atteindre cet objectif.

La politique extérieure de l’Union européenne demeure encore par trop incohérente. Les rares décisions prises par ce conseil des ministres lundi en témoignent. Le thème de l’uranium appauvri qui pourrait avoir causé quelques dégâts en matière de santé et d’environnement n’a ainsi qu’à peine été effleuré. Anna Lindh, la ministre suédoise des Affaires étrangères, a bien assuré que «l'Union européenne entend travailler avec le maximum de transparence » sur ce dossier.

Une position des ministres davantage attentiste, pour ne pas dire atlantiste

« Ce n’est pas à l’Union européenne de traiter de ce dossier en priorité. Il faut attendre les rapports de l’Otan » a ainsi estimé le ministre des affaires étrangères français, Hubert Védrine.

Quant à la situation en République du Congo, si l’Union européenne a dépêché officiellement le Représentant spécial de l'Union européenne pour la région des Grands Lacs, Aldo Ajello, « en vue d' évaluer la situation après la disparition du président Kabila », celui-ci n’y sera pas seul. Il sera en effet précédé du ministre belge des affaires étrangères, Louis Michel, qui effectue une tournée de plusieurs jours dans les six pays de la région. L’Europe a, encore, quelques difficultés à parler d’une seule voix et à se déplacer d’un seul et même pas...

(NGV)

(article paru dans La Tribune 2001)

 

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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