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Histoire européenneReportage

Tchécoslovaquie : le trait d’union n’existe plus

(Archives) (A Bratislava) Depuis le 1er janvier, la Tchécoslovaquie - contrairement à toute l’Europe - tente tant bien que mal de créer une frontière entre ses deux peuples… pas totalement artificielle d’ailleurs. Pourquoi ?

Depuis des années on parle des habitants de ce pays situé entre la Pologne et l’Autriche, l’Allemagne et la Russie comme des Tchécoslovaques. Mais, en fait, si la Tchécoslovaquie existe bien, c’est en tant qu’union au sein d’un même État de peuples différents dans la culture, la langue et le passé : les Tchèques et les Slovaques. Et si vous dites encore aujourd’hui à un (ou une) Slovaque qu’il est tchécoslovaque, et que vous admirez beaucoup Vaclav Havel (un tchèque) ce n’est sûrement pas la meilleure manière de créer l’intimité… !

Une différence par l’histoire

Issus de l’empire austro-hongrois, la Bohème-Moravie (le pays tchèque) était dépendant du gouvernement autrichien, la Slovaquie était dépendante du gouvernement hongrois. Elle est ensuite économique, la partie tchèque, au nord et à l’ouest, est largement plus industrialisée tandis que la partie slovaque, au sud et à l’est, est essentiellement de tradition agricole et paysanne. Mais depuis la révolution manquée de 1968, ces deux républiques avaient su conquérir une mini-indépendance. Chacune avait à leur tête une capitale, Bratislava en Slovaquie, Prague pour la Bohème-Moravie, un gouvernement autonome et un Parlement local. Certains ministères tchécoslovaques d’ailleurs n'existaient pas. Ou plutôt si, mais il y en avait deux : un Slovaque, un Tchèque.

Les hymnes, tout un symbole

Comme par exemple en matière d’éducation, de culture ou de santé. Il n’y avait pas d’hymne tchécoslovaque mais deux hymnes juxtaposés l’un à l’autre, l’un rapide et nerveux, le Tchèque, l’autre plus lent et triste, le Slovaque. Bref on pourrait énumérer sur une longue liste les différences infimes qui séparaient ces deux peuples. Malgré cela, ils étaient restés unis Depuis 1918, de nombreux couples se sont formés cimentant la réalité tchéco-slovaque.

Une vieille famille à séparer

Les Tchèques & Slovaques sont alors comme une vieille famille vivant, pour le bien comme pour le pire, dans une seule maison et qui décide sur un coup de tête de se séparer en deux. Comment partager la cuisine, la chambre, la voiture, le jardin… ? Bien des habitants des deux cotés de la nouvelle frontière commencent aujourd’hui à réfléchir et regretter… Un peu tard.

La situation économique : difficile

Surtout, en Slovaquie les problèmes ne manquent pas. D’abord, la situation économique est très dure. Ses deux principales richesses, l’agriculture et l’industrie lourde (métallurgie, militaire…), ont bien du mal à s’adapter à la nouvelle situation économique et aux normes occidentales. Ensuite l’emplacement géographique de la capitale - Bratislava est située à 3 kilomètres de la frontière et 65 km de Vienne - fait craindre qu’elle ne devienne qu’une simple annexe de l’Autriche.

Des minorités importantes

Enfin la situation interne politique est très délicate avec la minorité hongroise, forte de près de 500.000 personnes, et l’importante communauté tzigane. Les tensions risquent d’être d’autant plus importantes que le nationalisme slovaque est (ré)apparu. Sorte de revanche sur le temps - lointain - où la Slovaquie n’était qu’une partie opprimée du royaume hongrois, l’emploi de la langue hongroise jusqu’à là protégé a donc été supprimé, et certaines écoles fermées. Des supporters de football ont même été molestés.

Même si la situation est très différente et la majeure partie de la population pacifique , cela ne va pas sans rappeler les premiers pas de la guerre yougoslave en 1989 contre les Albanais du Kosovo…

Nicolas Gros-Verheyde

© Quotidien de Paris

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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