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Ben Laden mort, quelques réflexions. Un calendrier accéléré de retrait pour l’Afghanistan ?

(BRUXELLES2) La liste des personnes recherchées par Interpol et l'ONU compte une personne de moins. La mort de Ben Laden, annoncée par le président Obama hier soir, exécuté par des commandos d'opération spéciale US en plein Pakistan, à Abbottabad près Islamabad il y a un semaine, tombe, à point nommé, en plein bouleversement du monde arabe. Elle symbolise plus d'une dizaine d'années de lutte contre le terrorisme. Lutte qui ne va pas cesser mais ne passera plus par la présence en Afghanistan. Pour les Européens, comme pour les Américains, la porte est désormais ouverte à un calendrier accéléré de retrait du pays.

Nous sommes, toujours, tous Américains

Les dirigeants européens ont salué, sans détour, par la voix de Herman Van Rompuy et José-Manuel Barroso (respectivement présidents du Conseil européen et de la Commission européenne), dans un communiqué commun (en anglais), la mort de Ben Laden. « Oussama Ben Laden était un criminel responsable d'attaques terroristes haineuses qui ont coûté la vie à des milliers de personnes innocentes. Sa mort rend le monde plus sûr et montre que de tels crimes ne restent pas impunis. C'est un résultat important dans nos efforts pour débarrasser le monde du terrorisme. L'Union européenne continue de rester aux cotés des États-Unis, de nos partenaires internationaux et de nos amis dans le monde musulman pour combattre le fléau de l'extrémisme mondial et construire un monde de paix, de sécurité et de prospérité pour tous.» (*)

Un homme recherché bien avant le 11 septembre 2001

La traque de Ben Laden n'a pas commencé le 11 septembre 2001 comme on pourrait le croire. Mais bien avant, avec les attentats contre des civils ou des militaires, en Somalie, au Kenya, en Tanzanie, puis ensuite en Irak. Elle est traduire dans le droit international par plusieurs résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU, notamment la "1267". Le 15 octobre 1999 (avant les attentats de 2001), le Conseil de sécurité exige - en vertu du chapitre VII de la Charte de l'ONU - la traduction d'Usama Ben Laden à une autorité judiciaire pour les attentats à la bombe commis en août 1998 contre les ambassades américaines à Nairobi (Kenya) et à Dar es-Salaam (Tanzanie). Résolution qui condamne également le régime des talibans pour violation du droit international humanitaire, des droits de l'homme et plus généralement du droit international avec la prise du consulat général d'Iran et l'assassinat de diplomates iraniens.

Mort ou vif... à qui le tour

On ne va certainement pas pleurer la mort de Ben Laden. Mais on peut remarquer cependant que cette exécution symbolise la politique du coup de force, qui ne s'embarrasse pas des moyens pour atteindre les objectifs, loin des 'canons' européens. En termes juridiques, on pourrait en effet qualifier la mort de Ben Laden d'une exécution extrajudiciaire alors que le mandat donné était de se saisir de sa personne pour le traduire en justice.

Le dirigeant Mouammar Kadhafi peut, donc, se faire du souci. A voir la réaction internationale, qui salue la mort de Ben Laden, on peut se douter qui est le suivant sur la liste du "wanted" mort ou vif.

Un calendrier accéléré de retrait d'Afghanistan

La mort de Ben Laden ne ferme pas, en tant que tel, la porte de l'engagement militaire en Afghanistan, il en enlève sa principale justification politique : la lutte contre l'instigateur des attentats anti-américains de la fin des années 1990 et du 11 septembre 2001.

Le "combat contre le terrorisme" (je n'aime pas le terme de "guerre contre le terrorisme" qui ne me paraît pas justifié) ne va pas cesser demain. Mais la mort de Ben Laden montre qu'il requiert surtout des moyens de renseignement, d'action et de force spéciale, plutôt que le déploiement de dizaines de milliers d'hommes pour sécuriser un territoire incontrôlable. Et qu'il ne peut se limiter à l'Afghanistan qui immobilise beaucoup de moyens.

Cet évènement tombe à point nommé pour pouvoir justifier un calendrier de retrait des "boys" d'Afghanistan aussi robuste et accéléré que possible. Les Européens devront donc réfléchir rapidement à leur rôle dans la région : soit décider de suivre les Américains dans ce retrait, soit de supporter davantage le poids de la présence. Un meilleur partage des charges entre alliés, répond aussi à une préoccupation des dirigeants US.

Le mandat de l'IFAS se poursuit cependant

Il faut se souvenir, en effet, que l'intervention internationale en Afghanistan (la force de l'OTAN) n'est pas, au niveau du droit international, motivée par la poursuite des auteurs des attentats du 11 septembre ou d'autres actes, mais par la nécessité de maintenir la sécurité dans le pays. Les résolutions de l'ONU ne donnent pas mandat, en tant quel, à l'IFAS de poursuivre Ben Laden.

Le mandat confié le 20 décembre 2001 par le Conseil de sécurité de l'ONU à une coalition - "commandée et organisée" par les Britanniques - a alors un seul objectif : aider l’Autorite? inte?rimaire afghane « a? maintenir la se?curite? a? Kaboul et dans ses environs », de telle sorte que « l’Autorite? inte?rimaire afghane et le personnel des Nations Unies puissent travailler dans un environnement su?r » (résolution 1386). La coalition sera ensuite successivement commandée par la Turquie, rejoint par l'Allemagne et les Pays-Bas, avant d'être confiée à l'OTAN.

Ce mandat sera étendu en 2003, à deux niveaux : au niveau géographique, à toutes « les re?gions de l’Afghanistan » et au niveau fonctionnel à la sécurité « des autres personnels civils internationaux qui contribuent, en particulier, a? l’effort de reconstruction et a? l’action humanitaire » et de manière plus générale à une « assistance dans le domaine de la se?curite? pour l’exe?cution de toutes les autres ta?ches » (résolution 1510).

(*) Osama Bin Laden was a criminal responsible for heinous terrorist attacks that cost the lives of thousands of innocent people. His death makes the world a safer place and shows that such crimes do not remain unpunished. This is a major achievement in our efforts to rid the world of terrorism. The European Union continues to stand shoulder to shoulder with the United States, our international partners and our friends in the Muslim world in combating the scourge of global extremism and in building a world of peace, security and prosperity for all.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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