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Kosovo 5 : La mission n’attend que le feu vert du Conseil pour se déployer

(B2 à Pristina) Sur les hauteurs de Pristina, avec les Européens d'EUPT, l’équipe de préparation de la mission PESD 

LE QG de EUPT Kosovo sur les hauteurs de Pristina (© NGV)

Sur les hauteurs de Pristina, dans le quartier de Gërmaia — qui abrite également la force de protection civile du Kosovo, composée notamment des anciens rebelles de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) —, un bâtiment, de quelques étages émerge du brouillard. Pas de grand drapeau, ni de décorum. Mais une plaque discrète et un agent de sécurité, anonyme. Oui, « c’est bien ici » que l’Equipe de préparation de la future mission « Etat de droit » (police, justice, douanes) de l’UE (alias EUPT Kosovo) a établi son quartier général. C’est un peu loin du centre, où les institutions du Kosovo (gouvernement, Parlement, ministères...), les organismes internationaux (Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo MINUK...) et les Européens (Commission, Conseil de l’UE, Agence pour la reconstruction), se sont rassemblées dans un périmètre protégé. Mais c’est plus discret.

Recrutement en cours

« Welcome. Vous venez pour un entretien, pour quel poste » ? Les questions de quelques fonctionnaires croisés fusent aussitôt. Inutile de longs commentaires pour comprendre l’état d’esprit. Si la mission PESD n’a pas démarré, officiellement, l’impatience est là. Sur le parking, une quarantaine de véhicules stationnent, la plupart avec le « sticker » de l’Union européenne. Une centaine de personnes (65 experts internationaux et 45 locaux) sont déjà à pied d’oeuvre. Leur mission est multiple.

Sous la houlette de Roy Reeve — un diplomate anglais, spécialiste de l’Union soviétique et de la mise en place des nouveaux Etats, et numéro 2 de la future mission —, il s’agit d’abord d’assurer le lien avec les autres autorités (Serbes et Kosovars) et autres institutions (UE, ONU, OTAN, OSCE...), ainsi qu’avec les forces de police actives (KPS, MINUK, KFOR, MSU, services spéciaux...). Les modalités opérationnelles d’intervention sont planifiées. Il faut aussi prévoir toute la logistique.

Tout, en effet, doit être en place – bureaux, véhicules, ordinateurs, radios, téléphones, etc.— pour que les personnels puissent travailler immédiatement dès qu’ils arrivent. Ce qui n’est pas une tâche facile, vu les difficultés ambiantes: coupures d’électricité deux ou trois fois par jour, conditions climatiques difficiles (brouillard, neige, température variant entre –20° et 10°) et circulation hasardeuse (petites routes encombrées, souvent gelées où les accidents sont légion).

Enfin et surtout, la mission de l’Equipe est de compléter les organigrammes (tous sont prêts) pour mettre un nom sur chaque poste. Une première sélection a été réalisée en décembre, afin d’établir des « short list » pour chaque fonction. Reste maintenant à sélectionner les personnes idoines. Une deuxième sélection a commencé, début janvier, à Bruxelles ou Pristina. Un peu plus de 1000 personnes, provenant de tous les Etats membres (et tiers), vont être ainsi choisies.

Véhicules européens sur le parking attendant leur utilisation (© NGV / B2)

Un recrutement pas toujours évident quand les Etats membres s’en mêlent !

Certes la sélection est effectuée directement au niveau européen, contrairement aux missions militaires proprement dites. Mais les Etats n’en gardent pas moins l’œil sur certains « postes prestigieux ». « Nous avons plus de candidat pour être conseiller politique, par exemple, que pour assurer l’informatique », assure un expert de l’Equipe. « Alors que l’importance réelle des fonctions est parfois inverse ».

Seule exception, les membres de l’Unité spéciale de police (SPU), environ 500 policiers chargés du maintien de l’ordre, proviendront directement d’unités déjà constituées dans les Etats. Trois pays — la France (gendarmes), l’Italie (carabinieri), la Pologne — fourniront l’ossature de cette force. Et éventuellement la Roumanie. La participation de ce pays reste en suspens, pour des raisons à la fois politiques (le positionnement du pays sur l’indépendance) et d’efficacité (un entraînement « pas au top », avance prudemment un spécialiste). Quant aux chefs d’unités, ils sont quasiment tous sélectionnés et arriveront quand le feu vert diplomatique sera donné, comme le directeur de la mission, l’ancien général français, Yves de Kermabon.

Planning diplomatique

A Bruxelles, le projet de CONOPS (concept d’opération) et d’Action commune (la décision politique) ont commencé d’être distribués aux délégations des Vingt-sept. Un premier examen a eu lieu au Comité de politique et de sécurité (COPS), les 15 (pour le CONOPS) et 18 janvier (pour l'Action commune). L’objectif est qu’ils puissent être approuvés, dès que possible, par les ministres des Affaires étrangères. Si la date du 28 janvier est exclue, pour cause d’élection serbe, comme l’ont confirmé les autorités slovènes, la décision devrait être prise à la réunion du Conseil du 18 février. « Date un peu tardive tout de même », avancent certains diplomates.

« Si nécessaire », une adoption anticipée pourrait avoir lieu sans débat lors d’un autre Conseil, ou plutôt dans une réunion extraordinaire du Conseil. Une mission PESD étant normalement lancée par les ministres des Affaires étrangères. Le plan d’opération (OpPlan) et la décision de lancement officiel de l’opération seront approuvés dans la foulée (à noter que le concept général d’opération a déjà été approuvé en décembre 2006).

A partir du « feu vert » des ministres, la mission PESD devrait se déployer au cours d’une période de transition qui devrait s’étaler sur trois ou quatre mois, en vagues successives, succédant progressivement aux forces de la MINUK Police, Justice et Douanes. La montée en puissance se ferait lentement tout d’abord (quelques dizaines d’hommes le premier mois) et s’accélérerait ensuite (les principales arrivées étant prévues le dernier mois). Cette période de transition pourra être raccourcie, si nécessaire.

De fait, certains effectifs ou unités de la future mission PESD sont déjà à pied d’œuvre au Kosovo : à la MINUK ou à la KFOR, au sein des forces militaires proprement dites ou de la MSU, ou sont en alerte dans les Etats membres. Au terme de ce processus, les 1 825 hommes et femmes qui la composent seront répartis dans tout le Kosovo : au sein de la police kosovare (6 quartiers généraux et 34 stations locales de police), des juridictions (5 cours régionales), aux frontières (particulièrement avec la Serbie,«Gate1»et«Gate31»), et à certains endroits stratégiques (aéroport de Pristina, prison...) ; l’Unité spéciale de police étant basée à Pristina.

Le scénario idéal : entre février et juin-juillet

Pour certaines personnes en charge des missions de sécurité de l’UE, le scénario « idéal » au Kosovo serait que « les autorités du Kosovo ne fassent qu’une ‘déclaration d’intention’ d’indépendance, en février, doublée d’une ‘invitation officielle’ à l’UE pour envoyer sa mission ». La proclamation formelle de l’indépendance « se faisant à une date ultérieure, idéalement en juin-juillet ». Un délai utile pour mettre en place tous les instruments de l’Etat nouveau (Constitution, cadre législatif, drapeau, hymne...) — tâche à laquelle s’active, avec une discrétion remarquable, une équipe réduite, réunissant des hauts responsables kosovars et des experts de l’OSCE — et permettre la mise en place de tous les organismes européens.

La mission civile PESD n’est, en effet, qu’un élément des différentes actions que va mettre en oeuvre l’Union européenne dans le futur Etat indépendant. Seront ainsi présents: l’Office civil international (ICO en anglais) qui va, autour du représentant spécial de l’UE, assurer la représentation politique de l’UE, et certaines autres missions civiles d’assistance du gouvernement kosovar, et une délégation, renforcée, de la Commission européenne qui se concentrera sur le développement économique, les réformes structurelles et l’intégration régionale du Kosovo.

Un scénario idéal qui correspond aussi aux données historiques et... climatiques. C’est entre le 20 et 28 février 1988 qu’a éclaté le mouvement de grève généralisé, notamment dans les mines de Trepca. Et c’est le 17 mars 2004 qu’ont éclaté les émeutes à Mitrovica (19 morts)... Comme le précise un militaire de l’OTAN : « ici, tout commence au dégel, fin février ou début mars ! ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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