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Au cœur du SitCen (dossier) : le séisme en Haiti, vu de l’intérieur

(B2) Le tremblement de terre en Haïti a été pour les équipes du SitCen (le centre de situation de l'UE), dirigé par le Britannique William Shapcott, une période intense. En voici le récit tel que j’ai pu le reconstituer « vécu de l’intérieur », selon les témoignages recueillis auprès d'agents du service.

« A 22 heures, avec les dépêches, nous avons perçu que c’était un sinistre de dimension majeure. L’officier de permanence est alerté. Il alerte, à son tour, le cabinet de la Haute représentante. On décide aussi de renforcer les équipes. Le MIC (centre de crise de la protection civile de l’UE) réagit également. Contact est pris avec les Espagnols qui ont la présidence et ont ainsi la responsabilité en matière consulaire. Une réunion de crise est organisée, dès le matin du mercredi, réunissant tous les acteurs de l’UE (civils militaires, opérationnels, politiques…) et présidée par Catherine Ashton. » 

Un cas d'école

La situation, sur place, est en effet "particulièrement difficile". La capacité de coordination tant politique que des secours, dans le pays a été endommagée par le tremblement de terre. L’ambassade d’Espagne est détruite. Les deux chefs de délégation sont blessés. Ils seront évacués. Un cas rarement envisagé dans des scénarios de crise. C'est simple : « Nous avons perdu tous les moyens de coordination sur place. Il a fallu 36 heures pour apprécier la magnitude des difficultés. »

Des experts européens déployés sur le terrain

On a alors décidé d’envoyer deux personnes du SitCen pour faire la liaison avec ambassade d’Espagne et les autres représentants de la Commission européenne. Avec ECHO (l'Office européen d'aide humanitaire) et la MIC (cellule d’urgence de la Protection civile européenne), il y avait en tout une dizaine de personnes de l’UE sur place. Objectif : que chacun ait les informations dans son domaine de responsabilité ». La répartition des tâches a été « bien définie : le politique et consulaire au SitCen, la sécurité civile au MIC, l’aide humanitaire à ECHO ».

NB : Cette possibilité d’envoyer des agents sur le terrain, pour la tâche de protection consulaire, est plutôt nouvelle. Créée il y a 2 ans, elle a été utilisée en Géorgie en 2008, pour renforcer l’équipe du Représentant Spécial et mieux gérer le flux d’information, en Thaïlande, dans une mission similaire à celle d'Haïti mais avec un accent mis au soutien a la présidence.

Réunion de crise quotidienne

Une réunion sera ensuite tenue tous les jours. Chaque jour, à 10h, durant la période de crise, une téléconférence est organisée avec chaque centre de crise des Etats membres (*) – gérée par un des chefs d’unité du SitCen. Chaque Etat membre a déjà envoyé des moyens sur place ainsi que des « capacités de capture d’information sur terrain ». Le but de la cellule « EUCO » de Bruxelles est donc « d’assurer le croisement et la cohérence des informations qui remontent du terrain et celles qui viennent des centres de crise».

La leçon d’Haiti

« Elle doit encore être tirée. » estime-t-on au SitCen. En 2004, lors du Tsunami, un des problèmes rencontrés était la « compartementalisation de l‘information. Nous avions une bonne information au plan technique mais compartementalisée. Du coup, la réaction politique avait été plus lente. » Or l’objectif d’une cellule de crise est de pouvoir « renseigner plus rapidement les responsables politiques, pour leur permettre d’apprécier les mesures à prendre ». A Haiti, cela a « beaucoup mieux fonctionné même si on était dans une phase transitoire du Traité de Lisbonne. On a tout de suite fonctionné dans l’esprit de Lisbonne, à défaut d’en avoir les structures. » Mais il reste encore de nombreux points à améliorer. Pour un autre de mes interlocuteurs, il faut aussi revoir le rôle du SitCen, pour le « reconcentrer sur ses missions originales » : l'information, l'analyse, le renseignement.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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