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Réponse de crises/Haïti: “il suffirait d’une phrase pour avancer” (MAJ)

EquipeCoordinCE@E1001

(BRUXELLES2) Il y a des phrases qui paraissent bien anodines dans certaines conclusions d'un Conseil des Ministres ou d'un Conseil. Et pourtant... on ne sait pas toujours quelles batailles dures, se cachent derrière l'absence ou la présence de quelques mots. Il en sera ainsi pour les conclusions adoptées par les Ministres des Affaires étrangères concernant la position européenne pour la conférence internationale de New-York sur Haïti.

Le paragraphe de la discorde. Dans le projet de conclusions, s'est niché un § (le dernier) où les Européens saluent « l'intention de la Haute représentante et de la Commission de revoir la capacité de réponse de crise de l'UE » au vu des évaluations et des lessons learns suite au tremblement de terre en Haïti, et lui « demandant de faire rapport au Conseil européen ». Rien de très révolutionnaire... On pourrait même croire ce sujet "consensuel". Et non ! Les Etats membres ont bataillé pendant plusieurs réunions entre eux : les uns pour le faire disparaitre, les autres pour le faire resurgir. Et ils batailleront encore ce lundi. Car si le texte a globalement été avalisé en Coreper (la réunion des représentants permanents des Etats membres à Bruxelles), les 27 ambassadeurs n'ont pu se mettre d'accord sur ce "foutu" paragraphe. Et le sujet se retrouve aujourd'hui sur la table des ministres des Affaires étrangères. (MAJ) Finalement, les 27 ont avalisé un texte, a minima : le rapport ne sera fait qu'au Conseil et non au Conseil européen. Ce qui est un niveau au-dessous en matière d'implication politique.
Pour Télécharger le texte des conclusions.

 

Les 27 toujours divisés sur la nécessité de renforcer la coopération en matière de sécurité civile

Les vieilles divisions ressurgissent. Passée l'émotion de la crise, les pays ont, en effet, retrouvé leurs vieilles divisions sur la question de la protection civile. Certains veulent aller très loin : la Grèce, notamment, qui estime nécessaire que l'UE se dote d'une capacité de réaction aux crises tant externe (hors UE) qu'interne (pour les Etats membres de l'UE). Le Bénélux, l'Espagne, la France, l'Italie militent en faveur de cette capacité, mais dans un sens plus modéré. Mais plusieurs pays s'y refusent obstinément pour des raisons différentes : les Britanniques (par principe), les Nordiques (pas de confusion des genres militaire/humanitaire), les Allemands (un Euro est un Deutsch Mark) . Pour plusieurs d'entre eux mêler l'intervention dans l'UE et hors de l'UE est une "ligne rouge", précise un diplomate.

La crise moment idéal. La catastrophe en Haïti aurait été une bonne occasion pour déboucher un sujet bloqué depuis des années. Le Traité de Lisbonne donnait une solide base juridique qui n'existait pas auparavant. Il n'en rien été. La faute à "pas de chance" pourraient dire certains (je n'y crois pas, pas en matière diplomatique), à la phase de transition, c'est plus plausible mais pas suffisant. Certes la nouvelle Commission n'était pas encore en place et l'ancienne gérait les affaires courantes. La Haute représentante balbutiait encore dans son nouveau pré carré. Et, surtout, la commissaire à la "réponse de crises" était perdue dans les méandres parlementaires (1). Mais il y avait un certain nombre de personnalités expérimentées, telles le président de la Commission, José-Manuel Barroso, ou le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, qui étaient à la barre et pouvaient faire avancer le sujet. Il suffisait de quelques mots alors...

Une, plusieurs occasion(s) perdue(s). Il y a eu, au moins, trois occasions qui ont été loupées : par la présidence espagnole qui en avait pourtant fait une priorité, par les Ministres des Affaires étrangère (qui se sont réunis à deux reprises, le 18 janvier sur Haïti uniquement, le 25 janvier de façon plus générale) et surtout par les chefs d'Etat et de gouvernement, réunis en sommet informel en février. Le sujet était même à l'ordre du jour (2). Mais rien n'a débouché ; tous les esprits étaient concentrés sur la Grèce. Et, selon un diplomate, « Van Rompuy n'a pas eu la fermeté de l'imposer ». Il suffisait pourtant d'une petite phrase, d'un petit mot des chefs d'Etat et de gouvernement dans les conclusions pour que les diplomates et administratifs puissent s'en emparer et tracer le chemin futur. A froid, c'est désormais beaucoup plus dur.

(1) Une nouvelle commissaire bulgare (aide humanitaire) est nommée (Maj)
(2) Les 27 s'enferment pour parler, aussi, d'Haïti

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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