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La Turquie confirme son boycott de la présidence chypriote

(Crédits: Wikipedia)

(BRUXELLES2) Le ministre des affaires étrangères turc, Ahmet Davutoglu, l'a confirmé lors de sa venue à Bruxelles à  l'European Policy Center le 23 mars. La Turquie compte boycotter la présidence chypriote du Conseil de l'UE, durant le 2e semestre 2012. La Turquie cessera ses relations avec la présidence de l'UE "s'il n'y pas d'accord d'ici là ». Cela ne veut pas dire pas de contact avec l'UE: "il y aura toujours des contacts", sur la politique étrangère notamment, « mais pas avec les chypriotes grecs».

Une déclaration de principe dont on ne connait pas les modalités concrètes. Il est d'usage, en effet, que régulièrement la présidence de l'Union "débriefe" les pays candidats sur certaines discussions qui ont lieu au plus haut niveau. Ainsi lors du dernier conseil des Affaires étrangères, une réunion des pays candidats a été organisée avec la Haute représentante et auquel participe la présidence. La même pratique se déroule lors des sommets européens. Mais, normalement, c'est Herman Van Rompuy, le président permanent du Conseil européen qui va "au contact". Et non la présidence tournante. Cela ressemble donc, un peu, à un coup de "bluff".

Mais même si ce n'est qu'à une ou deux occasions que ce "boycott" donne à s'exercer, il va jeter une ombre sur des relations turco-européennes, difficiles ces derniers temps. Même Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères - qu'on ne peut accuser de faire partie des anti-turcs - a estimé que la Turquie franchissait là un pas de trop : « il est inacceptable qu’un pays extérieur à l’Union européenne entende choisir qui doit présider ou non l'UE » a-t-il répondu à une question de B2.

Des relations turco-européennes en montagne russe

Le Ministre Ahmet Davutoglu a cependant profité de sa venue devant l'EPC pour insister sur la volonté de la Turquie d'adhérer à l'UE et a développé son argumentaire autour des "trois tremblements de terre" qui ont structuré les relations entre les deux parties. Cette vision turque des relations avec le reste du continent mérite le détour. Tout d'abord, la chute de l'URSS a ouvert d'importantes opportunités, "que la Turquie n'a pas su saisir, il faut l'admettre" a-t-il expliqué. Les dix années qui ont suivi "n'ont pas été utilisées correctement". La Turquie a été "lente à introduire les réformes démocratiques [et] nos performances économiques n'ont pas été bonnes". De son côté, l'UE a fait "l'erreur de ne pas voir la Turquie comme un partenaire, avec tous ses atouts". En particulier, la Turquie aurait pu être une force stabilisatrice pour les Balkans. NB : elle s'est impliquée dans l'opération européenne Althéa, voulant même en prendre le commandement (voir aussi : Pas de turc à la tête d'EUFOR Althea).

Le second "tremblement de  terre" a été le 11 septembre et le virage sécuritaire pris par l'Europe. "La rhétorique de la démocratie a été remplacée par la rhétorique de la sécurité", ce qui a eu des conséquences notables sur les relations UE-Turquie... En effet, l'Europe a de plus en plus vu la Turquie "comme un risque plutôt que comme un atout". La Turquie, pendant ce temps, a développé "un processus de démocratisation très constructif", une situation économique "miraculeuse" ainsi qu'une diversification de son agenda de politique étrangère: "Nous avons quelque chose à dire sur tout l'agenda de l'ONU".

Le troisième "tremblement de terre" est récent, voire actuel: la crise économique et le printemps arabe. "La Turquie est au milieu de ces crises" mais en même temps elle est "un îlot de stabilité". Il est donc temps que la communauté internationale, et l'UE en premier, s'ouvre à la Turquie. "Les turcs font partie de l'Europe [...] c'est une réalité que personne ne pourra changer". Ahmet Davutoglu veut donc que la Turquie adhère le plus vite possible à l'UE. "Je ne rêve pas, la Turquie sera bientôt dans l'UE" a-t-il déclaré.

Un atout pour la politique étrangère de l'UE

La Turquie n'est pas un risque pour l'UE, au contraire, elle pourrait lui apporter. Au niveau économique d'abord, car "aujourd'hui la Turquie crée plus d'emplois que l'UE". Mais aussi pour la politique étrangère. D'ailleurs, Ahmet Davutoglu s'entretient "presque toutes les semaines avec Catherine Ashton au téléphone". L'UE avec la Turquie "sera une puissance globale" a-t-il ajouté. La Turquie est déjà "un pont entre le Nord et le Sud". Le ministre a pris l'exemple de la Somalie en évoquant la visite du Premier Ministre Turc, Mr Erdogan (à laquelle Davutoglu a aussi participé), "le premier avion atterrissant à Mogadiscio avec un Premier Ministre". La Turquie a également ouvert la première ambassade sur place (excepté celles des pays voisins). Aussi, "plus d'avions, plus régulièrement, c'est important", et c'est ce que la Turquie fait. De manière générale, l'idée est de développer une vision stratégique commune, puisque "nous défendons les mêmes valeurs".

L'Europe, aussi, doit faire des efforts

Ahmed Davutoglu a mis l'Europe en garde contre elle-même. S'il est persuadé que l'Europe surmontera la crise économique, c'est l'aspect culturel qui risque de poser problème à plus long terme, et en particulier "le racisme croissant". Il déplore également le manque de cohérence de la part de "certains Etats Membres qui veulent avoir de bonnes relations bilatérales" avec la Turquie, alors qu'au niveau Européen, il y en a qui bloquent, "comme un fantôme" a-t-il conclu...  Devinez !

Rédaction de B2

© B2 - Bruxelles2 est un média en ligne français qui porte son centre d'intérêt sur l'Europe politique (pouvoirs, défense, politique étrangère, sécurité intérieure). Il suit et analyse les évolutions de la politique européenne, sans fard et sans concessions. Agréé par la CPPAP. Membre du SPIIL. Merci de citer "B2" ou "Bruxelles2" en cas de reprise

Une réflexion sur “La Turquie confirme son boycott de la présidence chypriote

  • merci à la Turquie pour la leçon. Si après cela il y a encore des pays européens favorables à l’adhésion, c’est à désespérer de nos dirigeants.

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