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L’opération Atalanta prolongée pour 2 ans ?

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(BRUXELLES2) Le Rear Admiral Hudson était à Bruxelles mardi pour faire le point, devant la presse, de l'opération européenne anti-piraterie EUNAVFOR Atalanta. Une opération qui pourrait durer si on ne résout pas le problème de fond : l'absence d'Etat somalien (voir aussi la mission EUTM). Selon le commandant d'Atalanta, la mission offre un bon bilan: tant pour le PAM que dans le Golfe d'Aden. Il est moins positif sur le bassin somalien. Hudson en a aussi profité, au hasard des questions des journalistes, pour détailler certaines de ses priorités : le renseignement, la sensibilisation aux risques des navires marchands... et ses non-priorités (l'immigration illégale, la négociation et le paiement des rançons).

Une opération inscrite dans la durée. « C'est impossible, impossible d'éradiquer la piraterie. La vérité c'est simplement qu'on minimalise les risques », assure Hudson. Bien entendu, il n'a pas donné d'indication sur la prolongation de la mission. « Vous savez le pays auquel j'appartiens menait déjà des opérations anti-piraterie au 18e siècle ! ». La question n'est, d'ailleurs, pas tellement de savoir si on prolonge la mission mais pour combien de temps. De façon générale, les militaires impliqués dans la mission penchent pour la prolonger directement
pour deux ans, jusqu'en 2012, plutôt qu'une année, puis une autre, etc. « Cela facilite la planification des forces » explique l'un d'eux. Et ce serait « en harmonie avec l'OTAN. L'opération Ocean Shield pourrait, en effet, être prolongée pour deux ans également » poursuit un autre. Il reste maintenant aux politiques de se décider et de le faire surtout assez vite pour que la planification de 2011 puisse déjà se préciser. « Cela éviterait ainsi de se retrouver, comme à Noël dernier avec quasiment aucun bateau sur la zone. »

Bilan satisfaisant. L'opération Atalanta a prouvé son efficacité. C'est le constat tiré par Hudson. « Avec l'escorte des navires du PAM et de l'AMISOM, il n'y a plus eu d'attaques ni d'interruption de la mission ». Et l'aide alimentaire du PAM comme celle de l'AMISOM est « absolument nécessaire pour la population et la stabiliité de la Somalie. » Concernant la circulation des navires marchands dans le Golfe d’Aden, si les attaques continuent, « il n'y a eu que deux prises dans les six derniers mois à comparer aux 27 de la même période en 2008
» (1). Certes dans le Bassin somalien, le bilan est moins bon « Il y a un pic dans les trois derniers mois de 2009, à notre grand  désapointement » reconnaît Hudson. Mais « l'étendue de la zone » rend difficile tout contrôle, justifie-il. « L'UE est ainsi la seule organisation à avoir eu une présence permanente dans cette zone. Elle a mené aussi des patrouilles le long de la côte somalienne, avec la CTF et l'Otan ». Une manière de dissuader les pirates. Toutes forces confondues, « nous avons intercepté 14 groupes pirates ». Certains ont été traduits au Kenya. Ce qui a « un impact significatif sur les pirates. » La coordination avec les autres coalitions et la marine marchande « existe et marche bien
».
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La priorité: le renseignement.
« C'est une priorité » a affirmé Hudson, « détecter, suivre les bateaux mères permet de pouvoir réagir au meilleur moment ». Un rôle où les avions de patrouille maritime excellent. Sur l'usage de l'Awacs, le Read-Admiral est plus mitigé (2). « Avec l'Awacs, on peut identifier des contacts suspicieux. Mais les petits skiffs, c'est impossible. D’un point de vue militaire, ils apportent une certaine valeur mais le maniement complexe et cela revient cher. » a-t-il ajouté.  Réagissant ainsi à certaines critiques qui s'offusquaient de ne pas voir les Européens traquer les pirates dans les ports (3)

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Le paiement des rançons : ca n'aide pas vraiment.
« Tous les gouvernements sont d’accord sur ce point » considère Hudson. « Les rancons n’aident pas vraiment. » « Mais il y a d’autres interventants dans la négociation : les assureurs, la valeur de la cargaison, les propriétaires, les familles des marins. Et il est absolument
compréhensible qu'il y ait alors une négociation
. » a-t-il ajouté.

Immigration illégale : pas le boulot d'EUNAVFOR. La baisse peut aussi s'expliquer par le fait que les pirates ont trouvé un « revenu
alternatif avec le trafic d'êtres humains, d'émigrés vers le Yémen. C'est un business très lucratif pour les pirates
. » Sur cela, EUNAVFOR n'est pas outillé et n'a pas le mandat explique son commandant : « Nous n’avons pas de rôle proactif » (sur les bateaux de réfugiés). Nous pouvons uniquement avoir un rôle humanitaire uniquement. C’est le rôle des autorités nationales ensuite (le Yemen notament). Ce sont aux autorités de déterminer s’il s’agit de réfugiés économiques ou politiques.»

(1) Un résultat sur lequel il faut rester prudent cependant. Si la tendance est là, la situation reste très volatile. Le jour même de la conférence de presse, un navire libyen battant pavillon nord-coréen venait d'être pris par les pirates au nord du corridor international (lire : Un navire
nord-coréen capturé par les pirates dans le Golfe)

(2) Lire également : Un avion Awacs français en renfort pour Atalanta
(3) Lire également : Le blocage des ports des pirates (voulu par les Espagnols): "une connerie" !

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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