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L’opération anti-piraterie, dans le flou, sur ses résultats

ArrestPiratesArmesEmden@De100319(B2) L’opération anti-piraterie qui a un objectif précis de sécurisation d’une zone maritime a comme un défaut principal. Si les ministères ne se font pas faute souvent de communiquer à grand renfort de photos quand ils stoppent une attaque, ils sont beaucoup plus discrets quand il s’agit de rendre compte du sort des suspects pirates. On les comprend...

Le manque de preuves, la plaie du juriste, le défaut de juridiction, la plaie du militaire

Parfois le suspect a été tué sur le champ. C'est le cas de la marine indienne qui a commis apparemment une belle bavure puisque en fait de pirates suspects, c'était surtout un bateau de pêcheurs (1). Dans la grande majorité des cas, ils ne connaissent pas ce destin tragique. Loin de là. La plupart du temps, ils sont libérés, soit sur le champ, soit à l’arrivée dans le port par le premier juge venu. La faute ? Au manque de preuves pouvant être pris en compte par un juge, au défaut d’une compétence claire d'une juridiction nationale ou d’un instrument juridique adéquat (la signature avec le Kenya devrait résoudre le problème) et le fait aussi (on l’oublie un peu vite) qu’il n’y a pas d’Etat en Somalie efficace.

Au moins un pirate sur deux arrêté est libéré sur le champ

Côté russe, comme américain ou européen, la confusion des genres et la discrétion sont donc de mise. Le seul bilan qui a été dressé globalement et rendu public l’a été … par les Américains devant le comité « des services armés » du Congrès (lire ici). Un bilan assez proche de celui que j’ai réalisé et qui aboutit à un constat clair : au moins un pirate sur deux arrêté est libéré sur le champ. Et, encore, on ne mentionne pas leur devenir ensuite. Ainsi selon la Marine US : sur 250 pirates appréhendés, 121 ont été désarmés et libérés, 117 ont été remis à la justice aux fins de poursuites. Mais on se garde bien de mentionner leur sort après remise en justice. Ont-ils été jugés ? Ou n'ont-ils pas été (comme cela s’est passé au Yémen) libérés ensuite ?

Opération militaire ou opération de police ? Plus généralement, le traitement des prisonniers lors de ces opérations anti-piraterie, menées par les différentes forces navales américaine, russe, européenne, asiatique... pose un vrai problème pratique et juridique, doublé d’un problème éthique et politique. Un Etat de droit peut-il arrêter ceux qui ne sont, somme toute, que des bandits de grand chemin (un peu trop doués ) dans une zone internationale, avec des moyens militaires – alors que ce mode d'emploi serait interdit dans leur propre pays et qu'aucune guerre n'a été déclenchée ?  Ne serait-ce pas aussi le rôle des forces de police habituellement dévolues et formées pour ce type d’actions (gardes-côtes par exemple) ?

(NGV)

(1) Une "bavure" indienne au large de la Somalie? 

(crédit photo : Bundeswehr, saisie d'armes sur l'Emden)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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