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Le transfert en Espagne des pirates arrêtés demandé par un tribunal

(BRUXELLES2) Un magistrat du parquet de l'Audiencia nacional (le tribunal spécialisé dans les affaires pénales d'importances) a requis la mise en détention provisoire des deux pirates arrêtés dimanche par la frégate espagnole Canarias au large de la Somalie (lire sur l'arrestation). Elle a également demandé le transfert immédiat vers l'Espagne pour le fait de détention illégale, vol avec violence et utilisation d'armes. Le juge de l'Audienca nacional, Balthazar Garzon - célèbre pour ses prises de position sur le terrorisme et qui était de permanence dimanche -, a ouvert une procédure judiciaire pour crime d'enlèvement et d'actes de terrorisme dans le contexte d'acte de piraterie. Le juge doit être tenu informé des différentes évolutions du dossier.

Un précédent...raté. La justice espagnole avait déjà tenté d'obtenir le rapatriement de pirates arrêtés par une frégate espagnole en mai dernier. Sans succès. Les pirates avaient finalement été livrés au Kenya (lire :Les 13 pirates détenus par la marine espagnole remis au Kenya). Aujourd'hui la situation semble différente selon le juge Andreu cité par El Mundo : l'incident met en cause un bateau et des marins espagnols, il s'est produit en dehors de la zone d'Atalanta - et l'accord de transfert avec le Kenya n'est donc pas applicable. J'ai quelque doute sur cette explication.

Situation différente ? Si le premier argument du juge Andreu - des Espagnols sont concernés au premier chef- est tout à fait justifiable et justifie la saisine de la justice espagnole ; en revanche, l'argumentation du "hors zone Atalanta" ne semble pas très adéquat, d'après une analyse rapide. D'une part, si les informations données publiquement sont exactes, le bateau se situait dans la zone couverte par Atalanta (qui a été étendue jusqu'aux Seychelles). Ensuite l'accord de transfert des suspects n'est jamais d'application obligatoire. Le principe est que c'est d'abord l'Etat qui a saisi les pirates qui décide de se saisir ou non, puis d'examiner si un autre Etat "victime" (Etat du pavillon, d'origine des otages ou des victimes) ou l'Etat d'origine des suspects voire un autre Etat veut poursuivre. Ce n'est qu'en dernier lieu qu'intervient l'accord signé avec le Kenya. Et, sauf si les suspects sont kenyans, celui-ci ne revendique aucunement (au contraire ! ses prisons sont pleine et la justice est saturée) de recevoir des pirates.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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