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“Les pirates ne sont pas des Robins des bois” ni des terroristes. Idées reçues battues en brèche

(BRUXELLES2) Un séminaire, organisé par l'IHEDN - l'Institut (français) des Hautes études de la Défense nationale - autour de la piraterie maritime, après-midi - un des premiers du genre à Bruxelles - a réuni, mardi, des intervenants civils (de la Commission, experts ou des entreprises) et militaires (français, britanniques, suédois, EUNAVFOR...).


Ce ne sont pas des Robins des bois

Un point particulièrement intéressant, qui brise quelques idées reçues, a été fait sur les circuits financiers et l'organisation des groupes de pirates. Les pirates "ne sont pas des Robins des bois comme ils chercheraient à le faire croire", a expliqué un responsable d'EUNAVFOR (l'opération anti-piraterie de l'UE). "Ils ne viennent pas lutter contre la pêche illégale. Franchement d'ailleurs qui irait pêcher dans des zones aussi dangereuses ? Non c'est tout simplement du crime organisé".

Les pirates sont strictement organisés, hiérarchisés

"Ce sont un groupe d’environ 300 personnes, 100 sur les bateaux, dirigés par un comité, qui décide des attaques. Il y a des accords pour préserver les territoires et les cibles" explique un des spécialistes à la Commission européennes qui suit au plus près les affaires de piraterie au large de la Somalie. "Le partage de l'argent est prévu avant chaque opération selon un plan bien défini. Quand ils reviennent avec une rançon, le comité partage la monnaie, avec un document qui précise le rang et la force. ... Et délivrance d'un reçu." Tout çà est donc très organisé, méthodiquement. Pas étonnant, explique un autre intervenant en aparté. "Nous savons que plusieurs de ces pirates sont d'anciens officiers de la marine somalienne, formés à l'école soviétique particulièrement".

Où va l'argent ?

« La première destination est de moderniser les équipements et les armes. On voit une amélioration des armes. Il y a des liens avec le crime organisé. (...) De tout temps, il y a eu des liens avec le Yemen. Les bandes somaliennes faisant du trafic d'êtres humains ou de la contrebande (...) Nous pistons bien entendu l'argent donné par les rançons. Mais pour l'instant, nous n'avons rien découvert » explique notre expert. Tous les numéros des billets sont relevés. On a même parlé de fausse monnaie remis aux pirates. Fait non confirmé par les experts présents. Mais non infirmé non plus... « Apparemment, cet argent pourrait être réintroduit sur des marchés non contrôlés - par exemple, à Madagascar où il est connu que les Chinois viennent s'approvisionner en perles auprès des pêcheurs et où la circulation de la monnaie n'est pas du tout contrôlée - ou pour d'autres opérations illégales - comme la drogue. Avec cela on achète de la cocaïne ou de
l'héroïne, qu'on revend contre d'autres cargaisons...».

Lien avec le terrorisme : c'est non

"Pour le moment du moins, le lien avec le terrorisme n'est pas prouvé. La question a été posée (par Interpol), à plusieurs services d'Etats membres. Une douzaine ont répondu. Et la réponse a été, à chaque fois, négative. Mais, en même temps, il y a de fortes connexions du crime organisé entre Puntland et Yemen par exemple. De plus, la région n'est pas éloignée d'autres groupes venant de Pakistan,  d'Afghanistan…" Absence de preuve confirmée par un spécialiste d'EUNAVFOR Atalanta : "Un grand pays hors de l'UE, particulièrement intéressé par cette question, et disposant d'importants moyens (NB : Etats-Unis) a été sollicité. Et ils n'ont trouvé aucune preuve".

NB :Un groupe de travail sur les circuits financiers devrait d'ailleurs être créé au sein du Groupe de contact international sur la piraterie au large de la Somalie (ICGP) qui réunit une douzaine de pays. Et Interpol a mis en place à Nairobi une équipe de huit agents chargés de pister les pirates.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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