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Le juge seychellois ne goute pas l’humour pirate

Les 13 pêcheurs iraniens du Al Molai avait été libéré par l'équipage américain de l'USS Kidd et les 15 pirates arrêtés (U.S. Navy photo/Released)

(BRUXELLES2) La Cour suprême des Seychelles a reconnu lundi (5 novembre) 15 Somaliens coupables de piraterie et les a condamné chacun à 18 ans de prison. Une peine plutôt sévère mais qui s'explique par les circonstances tout autant de fait que politiques.

L'attaque d'un tanker échoue

Les pirates avaient attaqué en mer d'Arabie un tanker, le MV Sunshine. L'équipage du tanker n'avait dû sa liberté qu'aux mesures rapides prises par le capitaine du navire : retraite dans la citadelle, usage de canons à eaux sur le skiff ... Mais surtout il a eu un coup de chance. Un groupe naval américain était à proximité. Le porte-avions USS Stenis et son escorte (le ravitailleur USN Rainier et le croiseur lance-missiles USS Mobile Bay) alertés par l'appel SOS se rapprochent, l'hélicoptère Seahawkh prend l'air. L'intervention des militaires avait stoppé l'attaque. Le tout étant filmé par hélicoptères (pour les preuves notamment) permettant notamment d'attester l'utilisation des armes par les assaillants. Peu après, un hélicoptère SH-60S Seahawk de l'Uss Kidd localisait un skiff pirates à coté d'un bateau de pêche... iranien, le Al Molai. Les pêcheurs signalèrent alors aux Américains qu'ils étaient retenus en otage. Les Us intervinrent à nouveau faisant prisonniers les ravisseurs et libérant les pêcheurs.

C'était pour le fun, msieur le juge !

La tactique de défense des pirates était originale. Les pirates soutenaient qu'ils étaient tranquillement en train de pêcher en mer d'Arabie. Et que s'ils avaient tiré au lance roquette sur un tanker, c'était juste pour "le fun". Quant à leurs armes, c'était uniquement "pour leur propre protection". Le genre de plaisanterie qui n'a pas vraiment eu l'heur de plaire apparemment au juge Mohan Burh, selon la presse seychelloise. "Tirer avec un RPG en direction du pont d'un navire dans de telles circonstances ne peut pas vraiment être considérée comme une activité très fun" a rappelé le magistrat, non sans ironie. Quant à l'excuse de la pêche avec des amis iraniens, elle n'a pas plus retenu son attention. La peine de 18 ans n'est sans doute pas étrangère à cette stratégie de défense...

Un cas très politique... également

C'est la première fois que l'archipel des Seychelles juge un cas aussi éloigné de sa zone naturelle et qui ne concerne pas directement des intérêts seychellois. Il faut dire aussi que ce cas était sensible. Le sauvetage du navire iranien avait été bruyamment mis en scène par les Américains à un moment on ne peut plus sensible, de tension entre l'Iran et les Etats-Unis. On ne sera donc pas étonné si Barbara Nuland, la porte-parole du Département d'Etat US a salué officiellement cette condamnation. « Nous apprécions le leadership régional des Seychelles sur la lutte contre la piraterie, comme le montre leur volonté de poursuivre et incarcérer les pirates somaliens, ainsi que l'hébergement d'un centre de coordination régional du renseignement à l'appui poursuites contre les pirates futures. La condamnation marque un pas en avant pour la construction d'une réponse internationale forte et unie contre la piraterie de Somalie et pour la promotion de la liberté de navigation dans le monde entier. »

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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