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Avec trois drones US, un “hub” anti-piraterie aux Seychelles. 1ers vols (images)

(BRUXELLES2) Après en avoir beaucoup parlé, voici des photos des drones américains MQ9 Reaper basés aux Seychelles. Ils seront au nombre de trois, a précisé le commandement Africom lors d'une présentation à la presse. Le premier drone a été activé dans l'archipel le 25 octobre (lire les drones US arrivent). « Avec ce déploiement, le signal est clair : aucune activité criminelle ne sera indétectable » a expliqué Joel Morgan, le ministre des Transports et la Pêche, qui préside le Comité de Haut niveau sur la lutte contre la piraterie.  

La première tâche confiée à ces drônes, en effet, outre la surveillance classique de l'Océan indien, la prise de photos de bateaux suspects ou autres, sera de pouvoir repérer une éventuelle base, mobile ou fixe, provisoire ou permanente, des pirates dans les iles des Seychelles ou alentours. « L'utilisation d'un tel outil de technologie sophistiquée est cruciale dans notre guerre totale contre la piraterie pour contrôler et protéger une aussi vaste zone que les océans ».




Une guerre contre la piraterie

L'archipel — qui compte 115 iles et 1,3 km2 de zone économique exclusive — est, en effet, frappé de plein fouet par la piraterie (1)« Nous sommes menacés à la fois par des actes physiques, en prenant des navires en otage dans notre zone économique exclusive et par l'impact économique de la piraterie sur le secteur maritime (marine marchande, pêches, croisières et industries des super yachts) » explique Joël Morgan. Pour lui, c'est donc une véritable "guerre" qui se mène contre la piraterie. Et cette lutte doit se mener sur plusieurs plans : « diplomatie, capacités militaires, surveillance, partage d'informations, ressources financières et humaines ». 

Un "hub" de la lutte contre la piraterie



Les Seychelles ont appelé depuis plusieurs mois la communauté internationale à la rescousse. Et il y a du répondant. C'est effectivement aux Seychelles que les Européens d'Atalanta ont basé leurs avions de patrouille maritimes fournis par le Luxembourg, les Français leurs équipes de protection embarquées à bord de thoniers (français), rejoints déjà désormais par des privés de Minimal Risk qui protègent les thoniers basques (battant pavillon des Seychelles, l'archipel ayant autorisé le déploiement de gardes privés à bord des navires). Plusieurs forces — « USA, EUNAVFOR, OTAN, Inde, France Russie, Royaume-Uni et d'autres » assurent aussi des patrouilles maritimes autour de l'archipel. L'ambition est de faire des Seychelles un « hub de la surveillance anti-piraterie et des actions anti-pirates » considère Joël Morgan.

Plusieurs accords Sofa signés ou en cours

Des négociations ont abouti à la signature de plusieurs SOFA (Status of Forces Agreement ou accords de protection des forces) : avec les Etats-Unis (en juillet 2009, un accord qui doit être ratifié dans les jours qui viennent par l'assemblée seychelloise), avec la France (en septembre 2009, pour la présence des Equipes de protection embarquées à bord des bateaux de pêche), et avec l'Union européenne (le texte est prêt, le principe de la signature également du coté de l'UE mais il reste encore quelques difficultés à résoudre - notamment au plan du soutien financier de l'UE -, j'y reviendrai). Des discussions sont également menées avec l'OTAN pour un accord similaire. Un MoU (Memorandum of Understanding) a également été signé avec le Royaume-Uni.

Démonstration de force US

Les drones basés aux Seychelles sont désarmés. Mais « cette possibilité existe » précise le commandement US en Afrique (Africom). Pour l'armée américaine, cette base « provisoire » est une démonstration, à la fois de la présence américaine en Afrique et de sa volonté de resserrer les liens avec les Etats africains et les organisations de la région mais aussi de « l'efficacité de l'utilisation des drones dans la surveillance des côtes et des mers ».


  • Caractéristiques
  • Le MQ-9 Reaper est un drone de moyenne à haute altitude équipé d'un moteur turbopropulsé Honeywell TPE331-10GD. Long de 11 mètres, haut de 3,8 mètres et avec une envergure d'ailes de 20 mètres, il peut atteindre une vitesse de croisière de 200  noeuds/heure (370 km/h), une hauteur de 15240 mètres. Il a un rayon d'action de 3200 miles nautiques (soit environ 6000 km). Il est piloté à distance par deux personnes : le pilote et l'opérateur, basés dans une station de contrôle au sol (GCS). Il est équipé de senseurs "robustes", couleur/monochrome et infrarouge, pouvant produire aussi des séries image par image ou en vidéo. Le dispositif laser incorporé permet de fournir de façon précise les coordonnées géographiques.

 

(1) L'impact économique de l'arrivée des pirates autour de l'archipel est notable. Les Seychelles vivent essentiellement de la pêche
(25% de la population active travaille dans la pêche) et du tourisme (15% de l'activité économique et 75% des échanges extérieurs).

La conserverie locale est une des deuxièmes au monde en termes de production de thon. Depuis l'arrivée des pirates dans la zone, son
activité a baissé de moitié (de 450 tonnes par jour environ à 260 Tonnes par jour selon son directeur italien que j'avais rencontré sur place courant octobre).

Quant à l'activité maritime, elle a baissé de 30%, selon Joel Morgan (chiffre donné lors de notre rencontre en octobre à Victoria). Pour les navires de croisière, plus spécifiquement, qui faisaient relâche dans l'île, cette activité aurait chuté : de un par semaine à un par mois, selon un autre témoignage recueilli sur place.

L'île, qui avait également développé une activité de "banque offshore", a également été frappée durement par la crise financière mondiale, d'autant plus que la notion de "paradis fiscal" n'est plus aujourd'hui très en vogue au niveau international et est un point de crispation avec l'UE.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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