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Piraterie maritimeReportage

Autour des Seychelles : base et renseignement, nerf de guerre des pirates

(BRUXELLES2) Le Golfe d’Aden bien surveillé, les bandes de pirates semblent avoir fait des eaux environnant les Seychelles leur nouveau périmètre d’action. Aussi loin des côtes, comment peuvent-ils faire ? peut-on s’interroger….

Une "nasse" autour des Seychelles

Le temps – s’il y a eu un – où les pirates partaient à l'aventure, à bord d’un ou deux skiffs remorqués par un bateau mère pour attaquer le premier bateau venu, semble terminé, au moins pour certains d’entre eux. Les pirates se sont « de plus en plus organisés » de façon très stratégique. Ils partent un peu comme « en campagne de pêche » explique un interlocuteur. Aux Seychelles, ils semblent ainsi agir comme en nasse. Les pêcheurs qui pensaient pêcher tranquilles sur l’est des Seychelles ne sont pas vraiment rassurés aujourd’hui. « Ils se sont installés un peu partout autour des Seychelles et attendent à la sortie ou à l’entrée. Ce qui fait qu’on doit être protégés même quand on part dans des zones réputées sûres » explique un responsable des pêches françaises. A supposer qu’il y ait des zones réputées sûres. « Ce sont de vrais professionnels, ce ne sont pas des marins pêcheurs déguisés ou un peu débrouillards. Ils savent comment grimper sur un navire, couper certaines installations. » complète Patrick Héliès, le patron du thonier français, le Drennec (attaqué à deux reprises, en septembre 2008 et en octobre, vient de reprendre la mer). « Il y a une évolution de tactique des pirates. C’est indéniable » confirme un militaire européen.

Une base… des bases ?

L’existence d’une base autour des Seychelles était une hypothèse, très tôt évoquée mais démentie officiellement par les responsables français de la lutte anti-piraterie. En fait, explique un spécialiste « piraterie » : « On se pose beaucoup de questions. Comment peuvent-ils mener des campagnes aussi loin de leur base ? Nous cherchons. Mais nous n’avons pas trouvé ». Avec juste quelques fûts de carburants dans un bateau, il semble, en effet, difficile de mener aussi loin de la base à plus de 600, voire 900 miles nautiques des côtes somaliennes, des opérations d’envergure. « Il doit y avoir une base quelque part, soit flottante, soit terrestre. Nous cherchons. Nous rassemblons des informations » commente un militaire européen. Et un autre de préciser : « Il doit bien y avoir une base quelque part : flottante ou fixe », voire les deux. La structure adoptée par certains pirates – pas tous – semble être en fait "en étoile" : « Plusieurs bateaux mères auxquels sont accrochés des skiffs qui viennent se ravitailler auprès d’un plus gros - celui-ci étant approvisionné régulièrement par d’autres skiffs ». C’est la piste d’une base flottante qui semble ainsi, pour l'instant, la plus sérieuse.

L’hypothèse d’une base dans une île discrète n’est cependant pas écartée. Même si elle paraît plus difficile en termes de fonctionnement. Cependant « depuis le temps » - explique un participant à l’opération - nous les aurions découvert ». Personne ne voit les « pirates » s’établir dans une île dépourvue de tout. Mais c’est difficile à vérifier, tant les îles sont nombreuses. Dans tous les cas, les pirates semblent bénéficier de certaines complicités dans les pays alentours : Seychelles ou Maldives… Les militaires mènent donc de discrètes campagnes d’investigation pour tenter de déterminer ces nouveaux modes opératoires et localiser d’éventuelles « bases flottantes ».

Des réseaux d’information

Les pirates ne sont pas seulement « aidés » logistiquement. Ils semblent aussi bénéficier de certaines informations des pays de départ des bateaux. Les pirates semblent parfois se diriger si précisément sur une cible que cela paraît improbable. L’attaque de l’Alakrana ne serait pas ainsi due au total hasard des océans. « Ils savent qui part. Ils ont des informations qui circulent » confirme Patrick Héliès le capitaine du Drennec.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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