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Visite à l’OHQ de Northwood, quartier général de l’opération Atalanta

(B2)J'ai pu avec quelques confrères français visiter - en avant-première - le quartier général d'opération (l'OHQ) qui va servir pour l'opération de lutte contre la piraterie (Eunavfor Atalanta).

Départ de Vélizy dans la matinée dans un Casa 235 de l'armée de l'air pour atterir sur la base militaire de Northolt, base célèbre durant la 2e guerre mondiale et situé non loin de Northwood. Nos accueillants anglais nous dirigent tout de suite vers... la "Polish house", salle de réception, dédiée aux aviateurs polonais, dont les portraits ornent les murs. A juste titre, semble-t-il. Ces pilotes s'illustrèrent particulièrement durant la 2e guerre mondiale : plus expérimentés et plus audacieux que leurs collègues britanniques, ils ont à leurs actifs un nombre impressionnant de succès (avions allemands descendus. Un  "spit(fire) polonais" trône d'ailleurs à l'entrée de la base...

Spitfire aux armes polonaises, 2e guerre mondiale - base aérienne de Northolt © NGV / Bruxelles2

Situé à Northwood, au nord de Londres (et non au bord de la mer comme l’ont mentionné, romantiquement, quelques dépêches de l’AFP…). Le quartier général est surtout un chantier permanent. Des bâtiments en briques rouges. Et surtout des grues, des bennes, des blocs de béton et des bâtiments en construction. Northwood n’est, en effet, pas seulement le commandement de l’opération Atalanta mais surtout le commandement opérationnel britannique pour les opérations extérieures (Irak, Afghanistan…), ainsi le commandement naval de l’Otan. Et à juger par les contrôles rigoureux à l’entrée – avec passage du chien dans nos rangs pour renifler les explosifs – et les regards inquisiteurs sur le passage. D’ailleurs il est interdit de se promener tout seul même pour aller fumer une cigarette ou aller aux toilettes. Histoire que l’on se perdrait. Le silence règne à l'approche des journalistes. C'est normal. Tout n'est pas tout à fait calé. Le plan d'opération est d'ailleurs encore en discussion sur certains points. Les points juridiques particulièrement.Et surtout, il s'agit de ne pas déflorer le sujet : la conférence officielle de lancement est prévue le 9 décembre à Bruxelles.

Entrée de la base de Northwood UK © NGV / Bruxelles2

Le drapeau européen dans une base britannique, ce n'est pas courant. L’OHQ en lui-même est un bâtiment de 3 étages devant lequel flotte – c’est assez rare pour être signalé – les drapeaux européens et britannique côte à côte -. Environ 80 à 90 officiers venant d’une dizaine d’Etats membres y travaillent, répartis dans différents bureaux. Quelques uns n'ont pas vraiment eu beaucoup de chemin à parcourir. Ils travaillaient dans les bâtiments à coté, comme officier de liaison au quartier maritime de l'Otan..

Batiment de l'OHQ (drapeaux européen, britannique et anglais) © NGV / Bruxelles2

La salle de commandement (nous ne franchirons pas la porte... du moins pas officiellement) est, en fait, toute simple : quelques tables, des sièges, quelques ordinateurs. Au mur, une grande carte du Golfe d’Aden affichée au mur. Des téléphones et des câbles. L’essentiel se fait en effet par liaisons téléphoniques, internet ou vidéo-conférences sécurisées. Donc pas de voyants qui clignotent avec les positions des bateaux en temps réel. Et des multitudes de cartes. Point la peine d'ailleurs, celles-ci sont digitalisées ...
De toute façon, l’OHQ n’est pas là pour commander directement les mouvements des bateaux. Il assure plutôt le commandement politique (stratégique) de l'opération, la liaison avec les principales autorités politiques, européennes ou internationales : à Bruxelles (avec le comité politique et de sécurité, avec Javier Solana...), et dans les capitales. Il donne aussi les instructions et autorisations d'actions dans certains cas : arrestations de pirates, transfert dans un pays ou un bateau donné, accompagnement d'un navire qui l'a demandé.

Les Ministres français et britanniques dans la salle de commandement. Crédit photo : R.Pellegrino / ECPAD

Mais au niveau tactique, c'est le commandant de force, le commodore Grec Papaioannou, depuis son bateau dans la zone, qui définit quel bateau est habilité à intervenir et avec quels moyens. Dans certains cas, il est habilité à intervenir directement - cas d'urgence par exemple. De même, un bateau sur la zone qui verrait un bateau se faire attaquer a non seulement la possibilité mais l'obligation de se porter secours, le plus vite possible, en référant à son commandant de force (celui-ci transmet immédiatement).

Le problème de la "détention"... Ce peut être à lui également de résoudre les questions juridiques qui ne manqueront pas de se poser. L'arrestation des pirates ne pose pas un problème majeur mais leur "détention" (et leur éventuelle traduction devant un tribunal) est "toujours un problème". explique John Hutton le ministre britannique de la Défense. Et d'ajouter "On croise les doigts pour qu'il n'y ait pas de problème", ... en joignant le geste à la parole...

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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