B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages

Actu BlogPiraterie maritime

Un juge allemand tempère le transfert des pirates aux pays tiers

(crédit : marine allemande)

(BRUXELLES2) Nouveau coup de tonnerre juridique dans la poursuite en justice des pirates. Cette fois, venu d'Allemagne. Le tribunal administratif de Cologne a estimé, vendredi (11 novembre), que les conditions de remise de certains pirates au Kenya par la marine allemande étaient illégales, ainsi que le rapporte mon confrère de Augengeradeaus.

Arrestation par la frégate allemande

Le plaignant et ses huit acolytes avaient été arrêtés par le Rheinland Pfalz - avec l'aide du navire américain USS Monterey - après l'attaque du MV Courrier, un porte-container allemand, le 3 mars 2009. Le premier navire intervenait dans le cadre de l'opération européenne anti-piraterie EUnavfor Atalanta, le second dans le cadre de la coalition américaine CTF 151. Le parquet de Hambourg avait bien ouvert une enquête mais très vite abandonné les poursuites. Les suspects avaient ensuite été débarqués au Kenya dans le cadre de l'accord de transfert signé avec l'Union européenne. Au terme d'un procès, ils avaient été libérés par un juge de la Haute Cour, il y a un an, en novembre 2010.

Jugement en deux temps

Le jugement du tribunal est à deux niveaux. D'une part, il estime que les conditions de son arrestation par la marine allemande sont légales, conformes au droit international et au droit allemand (la Loi fondamentale). Un point intéressant car ce n'était pas tout à fait évident si on remémore le débat en Allemagne sur la possibilité d'arrestation en haute mer par des militaires. En revanche, estiment les juges, le transfert du demandeur au Kenya n'étaient pas tout à fait conforme. Car l'assurance de conditions décentes de détention au Kenya n'était pas garantie ; le pays n'ayant pas encore donné à l'Union européenne cette assurance.

Que faut-il en conclure ?

Cet arrêt peut être interprété de deux façons. Soit on estime que c'est un nouveau coup dur pour le transfert à d'autres pays de suspects. Soit on estime qu'il ne s'agit que d'une stricte interprétation du droit, au cas précis, sans pouvoir l'étendre à tous les autres cas. L'assurance de garantie du Kenya étant partie intrinsèque de l'accord de transfert UE-Kenya, tout transfert effectué sans cette assurance risquait d'être nul et non avenu. On se souvient en effet que lors de la discussion de cet accord, plusieurs pays - l'Allemagne était de ce nombre (si mes souvenirs sont bons) - avaient insisté sur le nécessaire respect par les pays recevant les suspects de conditions adéquates de détention et de respect des droits de l'homme. Je pencherai pour cette dernière analyse en attendant d'avoir d'autres éléments plus complets.

Un arrêt en tout cas à décortiquer de près alors que s'ouvre à Paris dans quelques jours mardi, le premier procès tenu en France pour des pirates somaliens, pour l'affaire dite du Carré d'As. Procès qui devrait être cependant tenu à huis clos car un des suspects est mineur.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®