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Somalie, la première opération maritime pour l’Europe de la Défense?

Aviso Commandant Birot (Marine française)

(B2) Ce pourrait être la première mission maritime pour l'Union européenne. Mais ca patauge un peu...

La résolution 1816, votée le 2 juin au Conseil de sécurité de l'Onu (pv de la réunion), sur la piraterie a certes permis aux États d'utiliser la force contre les pirates qui sévissent dans la région (en informant le Gouvernement fédéral de transition et le secrétariat général de l'Onu). Les eaux territoriales de la Somalie continuent en effet d'être considérées comme les plus dangereuses du globe (1). Mais le mandat prévu par la résolution est court, six mois. Et, il faut donc faire vite pour mettre en place une mission avant le terme (début novembre si mes calculs sont exacts).

Le Conseil des Ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne devait se pencher sur la question, le 22 juillet. Mais il a convenu que le dossier n'était pas mur. Le Conseil a "marqué son intérêt pour que le travail en cours sur les options en vue d'une contribution de l'Union européenne à la mise en oeuvre de la résolution 1816 du Conseil de sécurité des Nations unies aboutisse le plus tôt possible." On ne peut pas dire que cela participe d'un enthousiasme délirant !

 

Hervé Morin et Carme Chacon (Ministère de la défense Espagnol)

Onze Etats membres - selon mes informations - ont finalement manifesté un intérêt pour participer, d'une manière ou d'une autre, à cette opération - dont la France, l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas ou l'Estonie. Le 30 juillet dernier, les ministres espagnols et français de la Défense, Hervé Morin et Carme Chacon, ont lancé à Madrid un appel à leurs collègues pour un engagement un peu plus ferme. Ce sujet devrait donc être évoqué lors du "Gymnich" - la réunion informelle des Ministres des Affaires étrangères, les 5 et 6 septembre à Avignon (qui risque d'être donc fort chargé avec la Géorgie, le Kosovo et le Tchad).

Quelques questions en suspens

"exercice de fouille" (Marine Française)

Il reste, en effet, un certain nombre de questions en suspens à l'opération. D'ailleurs pour éviter de froisser quiconque, on parle davantage de "coordination des moyens" que "d'opération" en tant que telle:
- Cette "coordination" sera-t-elle légère ou lourde ?
- Sera-t-elle sous couvert de l'UE directement ou d'un autre organisme ?
- Quid du financement de la coordination ? Sous le mécanisme Athena (qui répartit à hauteur du PIB la charge pour chaque Etat) ?
- Où sera situé le quartier général ? A défaut d'être situé à Bruxelles, le quartier général de la "coordination" pourrait être situé dans un Etat, à forte tradition maritime (mais pas en France, qui a déjà fort à faire avec le Tchad), suivez mon regard...
- Qui dirigera la mission ? Un appel à candidature a été lancé pour un coordonnateur en chef qui pourrait être un capitaine de vaisseau (colonel) et non un amiral. Là encore pour éviter de briser toute susceptibilité.

Une task force internationale, la CTF150, est déjà présente au large des cotes de Somalie - au titre de la coalition antiterroriste Enduring Freedom. Elle est commandée actuellement par les Canadiens qui y ont dépêché une flotte de quatre navires - deux frégates porte-hélicoptères Calgary et Ville de Québec, un destroyer porte-hélicoptères Iroquois et le pétrolier ravitailleur Protecteur - le tout commandé par le Commodore Bob Davidson. La France (l'aviso Cdt Birot), l’Allemagne, le Pakistan, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et les États-Unis participent également.

Trois pays européens - le Danemark, la France et les Pays-Bas - ont assuré en 2007 et 2008 pour les Nations-Unies une escorte militaire aux navires qui acheminent l’aide du Programme alimentaire mondial vers la Somalie. Les Néerlandais ont terminé leur mission fin juin. Le NCSM Ville De Québec, une frégate canadienne de 440 tonneaux pouvant se déplacer à 27 noeuds et accueillir un hélicoptère SeaKing, de lutte anti sous-marine, a pris le relais, le 6 août.

(NGV)

(1) Trois cargos européens ont été détournés en juin, s'ajoutant aux 24 autres attaques répertoriées au deuxième trimestre 2008, par le Bureau maritime international qui signale également aux capitaines tous les navires suspects. En dernier lieu, mardi 12 août, c'est un bateau thaïlandais - le MV Thor Star - qui a été dérouté, avec 28 marins à bord. La semaine précédente, le 8 août, un navire singapourien avait été victime d'une attaque au lance-roquette et ce n'est que par l'intervention d'un des bateaux de la coalition présent dans la zone (l'USS Peleliu) et de trois hélicoptères qu'il avait pu de s'en sortir.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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