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Piraterie maritime

L’opération maritime en Somalie bloquée… par le Royaume-Uni

(BRUXELLES2) Il ne se passe désormais plus de semaines sans que les pirates n'arraisonnent un bateau, de plaisance ou de pêche, au large de la Somalie. Une dizaine de bateaux et de personnes, dont plusieurs Européens, seraient ainsi détenus sur le territoire semi-autonome du Puntland, en attente du versement de la rançon. En juin, les Nations-Unies ont autorisé le recours à la force maritime (*). L'Union européenne s'est proposée d'assurer cette mission. Mais, depuis plusieurs semaines, les réunions se succèdent, notamment au Comité de politique et de sécurité (Cops), à Bruxelles, et les 27 n'arrivent pas toujours à se mettre d'accord sur la mise en place de cette opération maritime ( Somalie, la première opération maritime pour l'Europe de la Défense?).

Des divergences et de nombreuses questions

Ce n'est pas vraiment un problème de capacités, enfin du moins pour l'instant. Plusieurs Etats (Allemagne, Espagne, France, Pays-Bas...) ont proposé des navires. Il y a des différences sur "l'objectif" de la mission : faut-il lutter activement sur la piraterie, assurer une protection plus passive des navires, assurer l'escorte les bateaux du Programme alimentaire mondial qui ravitaillent en secours alimentaire les pays de la Corne de l'Afrique, où la situation est dramatique selon le PAM (P.Goossens (PAM): nous n’avons toujours pas d’escorte pour nos bateaux) ? Mais ces divergences semblent surmontables : l'opération pourrait viser à la fois la lutte contre la piraterie et l'accompagnement des bateaux du Pam. Il y a aussi certaines questions juridiques sérieuses - que faire des pirates qui auraient été saisis par les bateaux européens ? etc. - ou de "financement" de la mission. Toutes ces questions sont d'autant plus posées que l'UE n'a jamais mis en place d'opération maritime. Et qu'il n'y a pas de précédent en soi. On "navigue un peu vers l'inconnu" avoue un expert du dossier. Mais il faut reconnaitre que le problème est avant tout politique.

Un veto britannique "de principe"

Le principe même de lancer une opération se heurte à un veto fondamental. Le Royaume-Uni ne veut pas en effet d'une incursion de l'Europe de la défense dans un nouveau domaine. Ce serait, en effet, la première opération maritime jamais lancée en propre par les Européens. Et les Britanniques préféreraient une opération d'une autre organisation, comme l'Otan ou une coalition ad hoc. A l'image de celle déjà menée sur place par la coalition anti-terroriste "Enduring freedom" dirigée par les Américains, la TF150. Il existe cependant un risque certain de confusion : l'objectif de la TF 150 est surtout la lutte contre le terrorisme et son mandat diffère d'une opération de lutte contre la piraterie (telle que définie par la résolution de l'Onu). Ce mélange des genres peut être préjudiciable aux deux opérations. Le risque est, aussi, que les pirates multiplient les raids. Et que les Européens soient, finalement, acculés à intervenir. Sous la pression de l'urgence...

Au lieu d'une opération, une simple "coordination"

L'Union européenne pourrait, du coup, décider a minima. Une cellule de coordination "légère" sera mise en place rapidement au sein de l'Etat-Major de l'UE, composée de quelques personnes (4-5 environ). Elle sera dirigée par un capitaine de vaisseau espagnol qui vient d'être recruté (pas un Amiral pour éviter qu'il ait autorité de commandement sur les bateaux). Sa mission : coordonner, c'est-à-dire particulièrement assurer l'échange d'informations entre tous les partenaires impliqués : les bateaux des Etats membres ou de la TF150 sur place, les armateurs (notamment le bureau de Londres), le PAM...

Le coût de cette cellule pourrait être pris en charge, selon le mécanisme financier de solidarité Athena. La Belgique et les Pays-Bas s'étaient notamment opposés à l'utilisation de ce mécanisme pour ce qui n'était pas une "opération" européenne. La décision devrait être prise, par procédure écrite, le 19 septembre. C'est un "premier pas" vers une opération maritime, soulignent plusieurs Etats membres, le dernier pas de l’opération pour d’autres (le Royaume-Uni surtout).

(NGV)

(*) L'opération maritime, en elle-même, serait un pis aller, selon un spécialiste militaire. "Seule une opération terrestre pourrait venir à bout des pirates. Mais personne n'est disposé à aller (ou revenir, si on se rappelle l'épisode des Marines américains) sur le territoire somalien".

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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