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Piraterie maritimeReportage

Le Drennec et le Glénan reprennent la mer avec des militaires

(BRUXELLES2 / A Victoria, Seychelles) Il est 12h30 heure locale (10h30 heure française), quand le Drennec et le Glénan lèvent la passerelle et larguent les amarres du port de Victoria à Mahé (Seychelles). Les deux thoniers bretons sont partis pour une nouvelle  campagne de pêche dans l’Océan indien. Cinq semaines en mer. Non sans « une petite appréhension » reconnaît Patrick Héliès, le capitaine du Drennec. Son bateau a été attaqué deux fois par les pirates en un an. La deuxième fois, le 10 octobre, il naviguait de concert avec le Glénan. « Je suis plus ou moins serein. Nous sommes quand même protégés » complète Yvan Dizet, capitaine du Glénan. A bord des thoniers, plusieurs fusiliers-marins ont, en effet, pris place, selon un rituel désormais bien rodé, avec gilet pare-balles et armes diverses et variées. Les pirates sont avertis !

A bord, chacun s’est adapté l’un à l’autre. « Ils font un peu partie de l’équipage. » précise Patrick Héliès. « Nous sommes tous des marins. Et pour beaucoup d’entre nous, nous partageons une même culture régionale bretonne ». » souligne l'enseigne de vaisseau Yannick Carnot, chef des équipes de protection embarquées, qui ne tarit pas d’éloge sur ces pêcheurs. « Ils ont une forte habitude de repérer à la vue ce qui est anormal. Alors ils nous aident à détecter les pirates ». Chacun se réjouit donc de cette cohabitation peu ordinaire. Grâce aux militaires, les thoniers français pourront faire une bonne saison de pêche. Sur le port de Mahé, cela fait d’ailleurs des envieux. « J’aimerais bien que Rome fasse pareil » commente Adolfo Valsecchi, directeur (italien) de la conserverie locale du groupe MW Brands et propriétaire d'un bateau. « Mais je n’ai reçu aucune réponse ». La mort dans l’âme il a donné l’ordre à son bateau d’arrêter la pêche et d’aller de se mettre à l’abri. Trop dangereux ! Plusieurs thoniers basques sont à quai en ce moment. « Nous avons perdu la moitié de notre saison » nous indique Juan-Jesus Suarez, patron du Txori Aundi, qui attend « avec impatience l’arrivée de gardes privés pour reprendre la mer » (1).

Le contrat continue. Hervé Morin, le ministre de la Défense, en visite d’inspection du dispositif français aux Seychelles a donc tenu à rassurer son monde. « Nous allons continuer tant que nous ne pourrons pas trouver d’autres moyens de sécuriser les opérateurs » a-t-il déclaré. Le contrat signé entre l’armée et les organisations de pêcheurs va donc être renouvelé au moins pour novembre et décembre (2). « Après, nous regarderons (toute demande) avec bienveillance » poursuit le Ministre. La piraterie se développe. « Et c’est le devoir de la République de protéger ses citoyens ».

(1) Lire : Thoniers basques aux Seychelles: "Nous sommes des pêcheurs, pas des militaires"

(2) Lire: Thoniers bretons aux Seychelles: le contrat avec l'armée va être renouvelé

 

(*) paru dans Ouest-France ce matin

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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