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L’UE s’engage la lutte anti-IED. Projet opérationnel en Afghanistan

(BRUXELLES 2, A LUXEMBOURG) Les ministres de la Défense de l'Union européenne (*), réunis lundi à Luxembourg, ont décidé de lancer un nouveau projet, concret, sur la lutte anti-IED (explosifs improvisés) en Afghanistan. Un projet mené par l'Agence européenne de défense (AED). C'est la première fois que des capacités industrielles européennes sont ainsi déployées sur le terrain, qu'on peut qualifier d'hostile, dans le cadre d'une opération de l'OTAN.

Un laboratoire d'analyse déployé sur le terrain

Ce « projet financé sur le budget européen sera très utile, face aux menaces que posent les bombes pour les forces européennes au quotidien » a expliqué Alexander Weis, chef de l'Agence européenne de défense à la sortie de la réunion. Concrètement, il consistera à déployer, en Afghanistan, une équipe de spécialistes capables de faire "in situ"« des analyses de haut niveau sur l'origine des ingrédients employés dans les engins explosifs improvisés, de savoir comment çà marche, de suivre l'évolution de la composition et des ingrédients. » commente un expert du sujet. « Assurément, cela vient combler un vide sur le terrain. » D'ordinaire, effectivement, le recueil des éléments est assuré sur place (c'est le niveau 1) tandis que l'analyse plus poussée est faite dans les Etats (le niveau 3). Il manque le niveau intermédiaire : l'investigation et l'analyse sur place (le niveau 2). « Ce dispositif permettra de mieux suivre les évolutions des poseurs des bombes, de donner sur place certaines préconisations pour y remédier voire de pouvoir intervenir sur la logistique des composants utilisés ». NB : les explosifs improvisés causent environ 60% des pertes humaines aux forces de la coalition (selon le site iCasualties).

Projet opérationnel en juin 2011, poussé par la France

Tous les ministres de la défense, membres de l'Agence ont montré leur intérêt à ce projet, selon certains sources. La France sera la nation-cadre du projet a officiellement confirmé Hervé Morin, le ministre français de la Défense. Mais d'autres pays comme l'Italie ou la Pologne sont aussi très intéressés pour y participer. Comme l'explique un diplomate, la France « ne dispose pas aujourd'hui de capacités de lutte anti-IED. Et ce projet l'intéresse au plus haut point ». Cela permet de faire financer par l'Europe un projet national. Ce qui n'est pas, en soi, anormal. C'est d'ailleurs en soi l'objectif des projets menés par l'Agence européenne de défense : pouvoir mutualiser des recherches, des projets, que ne pourrait pas mener tout seul un Etat membre, pour éviter de doublonner les dépenses.

Ce dispositif devrait être opérationnel d'ici juin 2011. L'Agence européenne de la défense va lancer un appel d'offres. Et son directeur espère signer le contrat en octobre prochain. Le budget devrait tourner autour d'un million d'euros. Les firmes britanniques spécialisées sur la question seraient en bonne position pour emporter ce marché, selon d'autres sources.

Un projet UE dans une opération de l'OTAN, exemple à suivre ?

Ce premier déploiement de spécialistes payés par l'Agence européenne de défense sur une opération de l'OTAN se veut un exemple de la possible coopération qui existe entre cette structure de l'UE et l'OTAN. Alexander Weis, le directeur de l'Agence, et ce qu'on peut considérer comme son homologue coté OTAN, le général Abrial, chef du Commandant Allied Transformation (ACT), se « rencontrent régulièrement, discrètement, pour confronter leurs vues et voir les projets qui peuvent être menées de façon complémentaire par l'UE et l'OTAN » m'a expliqué un diplomate. Un dispositif pragmatique qui permet de pallier l'absence d'accord formel entre les deux organisations (pour cause de différend chyprio-turc). « Les grandes déclarations - comme a pu en faire le secrétaire général de l'OTAN, A.F. Rasmussen, à Palma de Majorque, réclamant que la Turquie doit avoir une place dans l'Agence européenne de défense - sont très contre-productives », estime-t-il. Et d'ajouter : « Ce type de dispositif, informel, sous la "ligne de la flottaison" permettent de développer une bonne coopération... à condition que le "politique" n'interfère pas ». Version moderne du "pour vivre bien, vivons cachés".

(Nicolas Gros-Verheyde)

(*) à l'exception du Danemark qui bénéficie d'un opt-out sur la défense.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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