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Un QG militaire pour pas cher, c’est possible

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Peut-on se passer vraiment d'un QG si l'on veut une politique européenne de sécurité et de défense commune ? (crédit : ministère espagnol de la Défense)

(BRUXELLES2) L'idée d'un Quartier général européen de conduite des opérations militaires (OHQ) parait aujourd'hui reléguée aux calendes grecques. Cela peut effectivement paraître un détail pour l'Europe de se doter d'un tel centre. Mais cela n'en est pas un.

Une absence qui pèse

Le défaut d'un centre de conduite des opérations militaires, permanent de l'UE, pèse, pour combler le vide entre le Comité militaire de l'UE et le COPS d'un coté, qui fixent la doctrine politique et militaire de l'UE, et la CMPD et l'Etat-Major militaire qui conceptualisent, planifient apportent un soutien au besoin mais ne conduisent pas l'opération.

Une approche réellement globale suppose deux pieds : l'un civil, l'autre militaire

Pour avoir une approche réellement globale, c'est-à-dire civile et militaire, encore faut-il avoir les deux outils. Si pour le premier (civil), l'UE dispose d'à peu près toute la gamme, du recrutement au budget, en passant par la planification et la conduite (rôle dévolu à la CPCC, le centre de conduite et de planification des opérations civiles), pour le second (militaire), elle ne dispose que d'une partie des instruments. Il y a là une perte "en ligne" de savoir-faire et de cohérence de l'action politique. La création de l'Ops-Center, sorte de compromis passé entre Etats membres, faut d'accord sur un OHQ ne semble pas avoir vraiment changé la donne.

Inutile de tourner autour du pot : les Britanniques n'en veulent pas

La création "officielle" de ce centre de conduite est compromise par le blocage d'un pays surtout : le Royaume-Uni. Et Londres ne semble pas prêt de changer d'avis. Il trône tranquillement sur un veto qu'il lui semble impossible de contourner. Et cependant, il y a d'autres solutions pour contourner ce veto. Bien sûr, cela fâchera un peu nos amis britanniques... Mais bon !

Deux ou trois solutions sont possibles

1. Réorganiser les structures de gestion de crises

En redéployant certains postes dits de conduite des opérations vers le militaire, en obtenant quelques postes de plus des Etats volontaires (sous forme d'experts nationaux détachés), on peut à moindre coût bâtir un OHQ. C'est tout à fait possible aujourd'hui avec la structure intégrée du Traité de Lisbonne. Ceci est désormais en effet une mesure d'organisation interne du service diplomatique européenne (SEAE). Cela suppose une volonté du Haut représentant de "passer en force"...

2. Labeliser un nouvel OHQ

La Belgique peut, par exemple, demander l'agrément d'un nouvel OHQ. Cela parait cependant complexe, long et nécessite un minimum de financement. Est-ce bien le moment ? Le ministère de la Défense belge est-il prêt à cet engagement ? Les deux questions sont posées.

3. Utiliser un OHQ existant en le délocalisant

De façon plus facile, plus "pragmatique", on peut utiliser, un ou plusieurs des OHQ agréés, Mont-Valérien (France), Postdam (Allemagne) voire Rome (Italie) ou (Grèce). La solution peut être radicale : l'OHQ national se "délocalise" à Bruxelles. Elle peut aussi être plus souple : un OHQ national ouvre une antenne, nationale, à Bruxelles. On peut élaborer aussi une solution de compromis : une "antenne commune" à plusieurs OHQ — des Weimar+ par exemple avec Paris-Berlin-Rome). Et on peut ensuite trouver des options de complément : la Belgique pourrait à disposition quelques salles au sein de l'Ecole Royale militaire (*).

De même, l'enveloppe du centre peut être définie soit à l'intérieur des formules existantes au sein du traité (coopération renforcée, structurée permanente, groupe de nations...), soit de façon ad hoc par un mémorandum. Bref on aurait ainsi pour pas cher, à la fois une rationalisation et une utilisation de l'existant, et un Centre de conduite permanent à Bruxelles, qui pourrait très vite monter en puissance.

Le momentum pourrait être intéressant. Après le Conseil européen de décembre, vont se relayer, en 2014, deux présidences, la grecque et l'italienne, qui se débattent face à des problèmes budgétaires mais ont "théoriquement" un OHQ national. Ce pourraient être pour elles l'occasion de tester le dispositif "fusionn"...

(*) Pour les non Bruxellois, l'ERM jouxte le comité militaire de l'UE fait face aux structures de gestion de crise de la PSDC et est à 150 mètres du SEAE !

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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