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La Grèce fait son marché en France (mais pas de Rafale ?)



Le gouvernement grec a décidé de donner un
coup de booster au renouvellement de son équipement militaire : blindés, hélicoptères, avions de chasses et de patrouille maritime, système d'armement, frégates maritimes, ... le marché est large.
Annonces, appels d'offres, contrats se succèdent pour un montant global de près de 6 milliards d'euros (selon l'opposition socialiste - qui critique ces dépenses alors que le pays subit une grave
crise économique et de société). (*)

Frégates et hélicoptères "français". Le Conseil de défense national vient ainsi de donner le feu vert à un contrat négocié "de gré à gré" avec la France. Dans la hotte grecque, l’achat de
six frégates modernes type FREMM (programme franco-italien mis en place par l'Occar - l'Organisation conjointe de coopération en matière d’armement). Une nécessité. Le parc naval grec est
vieillissant : la plupart des navires, achetés souvent d'occasion aux Néerlandais ou aux Allemands, ont 20 ou 30 ans d'âge voire plus (cf. liste de la flotte grecque). Et certains renouvellements sont nécessaires si la Grèce veut maintenir le niveau de sa marine qui a toujours été la
force du pays. Autre achat : 15 ou 17 hélicoptères – des Super Puma  recherche et sauvetage. La venue d'hélicoptères de ce type, notamment suisses, lors des feux de forêts en 2007 avait
particulièrement remarquée et appréciée. Montant de la facture, selon les médias grecs : 2,2 milliards d’euros pour les frégates de type FREMM (avec une "petite" discussion pour savoir si les
frégates pourront être fabriquées dans les chantiers navals grecs), 275 millions d’euros pour les hélicoptères (avec une petite "incertitude" de l’ordre de quelques millions d’euros pour les deux
derniers hélicoptères). Sans compter des systèmes d’armes comme des missiles Scalp Naval.

Un achat... très diplomatique ? Est-ce un juste retour du soutien, bruyant et solide, apporté par le président français de la République à la Grèce dans le litige qui l'oppose à
l'ex-république yougoslave de Macédoine (Fyrom), sur le nom de cette dernière ? En tout cas, cela y ressemble sacrément. Et le ministre de la Défense grec, Meïmarakis, a fait une allusion à peine
voilée à cet appui français, pour justifier cette décision, lors d'une présentation à la presse. Mais il faut que cet argument n'est pas le seul. La Grèce a souvent acheté "français" (avions,
vedettes anti-missiles construits à Cherbourg...) et, surtout, elle a toujours veillé à diversifier ses fournisseurs, pour ne pas dépendre d'un seul. Nécessité stratégique par rapport à son
traditionnel ennemi turc.

De l'armement russe. Ainsi une bonne partie de son système de défense antiaérienne est-il de conception russe. Et fidèle à ce fournisseur, la Grèce a conclu fin 2007 un contrat d'achat de
véhicules d'infanterie blindés BMP-3. Environ 415 véhicules, pour un coût d'environ 1,2 milliards d'euros, selon la presse grecque. Choix qui est en passe d'être finalisé. Et se justifie également
économiquement : un blindé russe est 25% moins cher, apparemment, qu'un de ses concurrents.

Et un avion américain pour remplacer les "Mirage" ? De même, les Grecs doivent-ils encore remplacer leur flotte d'avions de chasse, formée notamment de "Mirage". Et la Grèce - irritée par
les « provocations » de la Turquie sur son espace aérien - est disposée à s'équiper d'appareils modernes, mais à un coût raisonnable. Le remplacement par le "Rafale" français n’aurait plus vraiment
la cote, selon nos confrères grecs. Et les regards se tournent, actuellement, plutôt de l’autre côté de l’Atlantique. Une bonne offre américaine serait un double coup : financier mais aussi
diplomatique – à l’égard du voisin turbulent turc.

Dernier élément du renouvellement de l'équipement militaire grec, des avions de patrouille maritime. Un appel d’offres devra être lancé pour cinq avions dans les semaines qui viennent.

(*) A noter que la Grèce est un des seuls Etats membres de l'Union européenne - avec la France et le Royaume-Uni - à dépasser aujourd'hui le niveau de 2%
des dépenses d'armement (chiffre préconisé à la fois par l'Otan et par l'UE, du moins pour accéder à la coopération renforcée permanente du Traité de Lisbonne).

Mise à jour : une autre évaluation du coût de l'opération a été publiée dans le quotidien Kathimérini : 4 milliards pour l'achat des frégates Fremm avec
l'armement,
500 millions pour la modernisation des frégates existantes, 600 millions d'euros pour les hélicoptères Super
Puma, 250 millions d'euros pour les avions de patrouille maritime, 400 millions d'euros pour les munitions de chargs, .

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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