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1989. Douce révolution

Lanterna Magica © NGV
Lanterna Magica © NGV

(archives) Je suis en Tchécoslovaquie depuis jeudi soir. Ce qui m'a le plus frappé, c'est le retournement dans la mentalité des gens le lendemain, quand on a annoncé la démission du bureau politique. C'était la première victoire de l'opposition...

Un moment magique

A la Lantena Magica, cela a été un moment proprement "magique, historique". Sur la scène, les principaux dirigeants de l'opposition autour de Vaclav Havel. Une salle bondée, avec beaucoup de jeunes, des acteurs, des intellectuels. Et tout à coup sur scène... un lent moment étonnant. La stupéfaction, l’étonnement, l’émotion qui saisit tout à tour chacun des personnages sur la scène à la lecture d'un petit bout de papier, infime, qui circule de main en main... Au point que la salle qui bruissait de toutes les conversations et interjections se tait rapidement. Le silence se fait, jusqu’à que le leader du Forum civique prenne la parole et annonce... la démission (entre autres) du ministre de l’Intérieur. La stupéfaction gagne la salle… Il y a un moment d'inertie, d'interrogation. Puis les applaudissements fusent, longs, nourris, chaleureux, partagés par toute la presse internationale présente (ce qui est rare et doit rester exceptionnel). Le pouvoir est foutu, chacun le sait. La révolution (de velours) avait gagné.

Le peuple a repris confiance

Tout un peuple, tout d'un coup, a repris confiance en lui, en se disant : "et si c'était possible". Spontanément, malgré la manifestation déjà de l'après-midi, les gens sont ressortis, se sont rassemblés, s'embrassant. Les voitures passent en pleine rue en klaxonnant, drapeau au vent. S’il y a une image que je garderai de ces moments en Tchécoslovaquie c'est bien celle-là. En à peine dix jours, depuis le 17 novembre exactement, depuis la charge brutale de la police contre les étudiants, la population a su trouver une sagesse d'organisation.

On s'organise

Certes, tout n'est pas encore professionnel", comme se plaisent à le souligner les responsables du forum civique, l'organisation d'opposition. Mais chacun s'est réparti la tâche. Etudiants en médecine ont organisé leur propre service de secours, ceux de l'université d'art s'occupent des affiches, des photos… La solidarité avec la population joue pleinement son rôle.

Les médias et théâtres à l'avant-garde

Je crois que deux choses ont énormément joué dans ce sens d'une libéralisation des esprits. La rediffusion par la télévision et la radio nationales dès dimanche, et la diffusion dans les théâtres, les universités, et même dans la rue de la vidéo tournée le jour même des évènements du 17 novembre par les étudiants. J'ai été à une de ces projections à Prague. Je peux vous dire d'une part, que chaque séance est bondée et que les spectateurs ressortent plus déterminés que jamais. Mais sans violence. Car si un seul mot caractérise la véritable révolution qui tous les jours se produit ici, c'est bien celui de "sage".

Nicolas Gros-Verheyde, pour Kiss Fm radio, novembre 1989

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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