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Allemands et Suédois prennent l’initiative

L'initiative n'est pas courante et peut-être symptomatique d'une nouvelle donne dans l'Europe de la Défense. Les Suédois et Allemands viennent de présenter un "papier" présenté récemment au Comité militaire et au COPS, intitulé  "European Imperative. Intensifying Military Cooperation in Europe" (qu'on peut traduire ainsi : "Un impératif européen : intensifier la coopération militaire en Europe"). Un document qui s'inscrit dans la philosophie de la réunion informelle de Gand (1). Et est surtitré "Food for tought" (Des ingrédients pour la réflexion).

Un calendrier d'action

Ce document, dans son contenu, est intéressant car il englobe à la fois de nombreux thèmes de l'harmonisation des besoins aux structures de commandements en passant par l'acquisition et la formation. Mais il ne se contente pas de fixer quelques objectifs généraux, il insiste sur les préalables plus concrets qui ont souvent (toujours) bloqué les processus de rapprochement européen. On n'est pas encore entré dans le vif du sujet. Mais comme l'intitule le document, "food for thought", c'est un début de réflexion... qui pourrait offrir une bonne base à la coopération structurée permanente, tant évoquée... mais pas encore réalisée.

Allemands et Suédois se fixent un calendrier assez rapide : débat et engagement politique au conseil des ministres de la Défense du 9 décembre prochain, analyse au niveau national des domaines au 1er semestre 2011 et décision au niveau des ministres de la Défense (en mai sous présidence hongroise), définition des domaines et actions concrètes qu'engage chaque Etat, mise en place en étroite liaison avec l'Agence européenne de la défense.

Trois types de coopération

Le document préconise, avant tout, de déterminer trois catégories de domaines de coopération suivant en cela le schéma retenu à Gand par plusieurs ministres de la Défense (allemand et français notamment). Les rédacteurs donnent, ce qui est plus concret, des exemples dans chaque catégorie.

  • Première catégorie : les capacités et structures « jugées essentielles par chaque pays et donc maintenues à un niveau strictement national limitant la coopération à seulement accroître l'interopérabilité ». Exemples : les forces de combat, le soutien au combat, le renseignement, les avions de chasse et navires de guerre.
  • Deuxième catégorie : les domaines où une « coopération renforcée est possible sans créer des dépendances trop fortes. C'est l'idée de mettre en commun (pooling). Exemples: les forces de soutien non déployables, la formation des forces opérationnelles, le transport aérien stratégique (SAC) ou tactique (EATF), la logistique.
  • Troisième catégorie : les domaines où « la dépendance mutuelle et la confiance entre partenaires européens est acceptable dans un cadre international de partage des tâches et des rôles » (sharing). Exemples : les structures de soutien nécessaires à l'éducation, à la formation et aux exercices, les capacités de développement à long terme comme les académies militaires, les installations d'essai et d'évaluation et de formation des pilotes,  les capacités liées la surveillance aérienne et maritime (SUCBAS), ou les capacités de niche... Etc

Les 6 champs du possible

Le document préconise six domaines de coopération.

1. L'harmonisation des besoins militaires. Pour obtenir une base commune de coopération, les objectifs de capacités nationales et l'Objectif global 2010 (au niveau européen) devraient être harmonisées, avec les autres plans de développement des capacités, par le biais de plans définis en commun des besoins militaires (via les "Common Staff Target" (CST) et les "Common Staff Requirement" (CSR)). Des exigences nationales spécifiques devraient, dans la mesure du possible, être évités ou soigneusement pesées contre une augmentation de la complexité, coûts et d'autres facteurs.

2. La Recherche & Développement. La coordination et la coopération (dans la R&D) offre un « degré élevé d'amélioration de l'efficacité » dans un domaine où les coûts non-récurrents sont importants, indépendamment de volumes d'acquisitions futures. NB : il faut se rappeler que la R&D est le seul secteur qui bénéficie d'un sérieux appui (sonnant et trébuchant) européen. Sommes qui ne sont d'ailleurs pas toujours utilisées (pour diverses raisons : méconnaissance des mécanismes et complexité des procédures de subvention, essentiellement).

3. L'acquisition: En regroupant la demande nationale, des économies d'échelle pourraient être réalisées. Préalables : L'harmonisation des besoins militaires et l'octroi de contrats sur une base concurrentielle, un cadre réglementaire approprié, une coordination étroite entre les Etats membres de l'UE à l'égard de leurs bases industrielles nationales « dans le but de maintenir un degré élevé de l'industrie de défense compétences au niveau européen ».

4. La formation et les exercices. Compte tenu de la diminution du nombre des forces en Europe, toutes les occasions pour mettre en commun ou partager les installations de formation requis pour le fonctionnement et le financement commun devrait être utilisées. Préalables : l'harmonisation des contenus de formation et l'enseignement. Et une utilisation accrue des exercices communs.

5. Les structures de commandement et des procédures. La mise en place des structures de commandement commun et de procédures « offrirait la possibilité d'accroître l'interopérabilité et de réelles économies, sur une base régionale ainsi qu'à l'échelon européen ».

6. Les Coûts de fonctionnement. Compte tenu des engagements opérationnels actuels, la fourniture de dispositifs coûteux comme la reconnaissance stratégique, le transport stratégique ou tactique ou les éléments nationaux de soutien sont un domaine primordial pour la coopération. Autre secteur : la logistique.

Le texte complet (en anglais)

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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