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Les priorités diplomatiques de l’UE des “12 mois à venir” selon Ashton. Détonnant

(ANALYSE) Il y a quelques jours (le 14 janvier), le Secrétaire général administratif du service diplomatique, David O'Sullivan, détaillait lors d'un speech à Dublin, les "objectifs stratégiques identifiés par la Haute représentante de l'UE, pour les 12 mois à venir" pour la politique étrangère de l'UE. Edifiant !

Les quatre priorités "stratégiques" de Cathy Ashton pour 2011

- Stabilité et prospérité dans le voisinage. "Une nécessité" est-il expliqué. "Ce sera le premier dossier test pour le HR et le SEAE". Mais c'est la zone des Balkans occidentaux qui requiert toute l'attention. Elle "pose un défi particulier aussi longtemps que nous n'aurons pas résolu les tensions existantes entre le Kosovo et la Serbie". La rive sud de la Méditerranée n'est mentionnée que de façon annexe : "Nous devons approfondir et élargir notre coopération". Point

- Processus du Moyen-Orient. Cette solution va "ouvrir la voie pour construire une région plus stable et plus prospère". L'exemple est le soutien européen aux Palestiniens et la récente visite à Gaza de la Haute représentante.

- Partenariats stratégiques. C'est le travail entamé il y a quelques mois déjà par les ministres des Affaires étrangères et les chefs d'Etat ou de gouvernement pour des pays considérés comme principaux par l'UE (les Etats-Unis, la Chine ou l'Inde, comme la Russie...). Un travail utile selon un haut diplomate de l'UE car cela permet de préparer de façon plus efficace les sommets.

- Promouvoir les Droits de l'homme et la bonne gouvernance : "c'est le fil d'argent qui traverse tout ce que nous faisons". La Haute représentante estime aussi important le rôle joué par « les missions d'observation électorales ».

Commentaire : une vision pas très réaliste et pas très réactive
de la politique étrangère mais très idéologique

On ne peut qu'être frappé par les oublis très idéologiques de ces objectifs qui ne sont pas, en fait, très stratégiques.

L'oubli stratégique de l'Afrique. Tout d'abord oublier le "continent noir" dans une liste d'objectifs est, pour moi, symptomatique d'un état d'esprit et procède d'une erreur fondamentale. Si l'Europe peut apporter une plus value dans le monde avec sa politique étrangère et de défense commune, c'est bien en Afrique, de par son passé culturel et historique commun avec la plupart des pays du continent, et surtout de par son investissement majeur durant des années (assistance financière et technique, développement, missions de défense au Congo, au Tchad, en Somalie-Ouganda...). Si les Chinois investissent aujourd'hui économiquement ce continent, et les Américains militairement, ce n'est pas pour rien. Ce n'est pas le moment de partir. L'oubli de l'Afrique est donc une erreur stratégique.

La prévention des crises. Ensuite, on peut remarquer que dans ces objectifs, le rôle que peut jouer l'Europe en matière de maintien de la paix, de prévention des crises est totalement oublié au profit d'une notion plus pâle et bon enfant de "bonne gouvernance". C'est aussi révélateur que l'isolement dans une petite case de l'organigramme des structures de gestion de crises.

L'absence de réactivité. Au passage, on peut remarquer l'absence de réactivité. Les évènements en Tunisie ont déjà commencé et sont presque finis. Le téléspectacteur moyen sait que le président Ben Ali est déjà parti, que la Tunisie est en "transition démocratique accélérée". Et que nous vivons la fin d'une certaine ère, au Maghreb au moins. Rien de changé...

Une grande confusion dans l'objectif de la PESC. Au final, il est frappant de constater combien la confusion entre politique étrangère et politique commerciale reste grande. Cette panoplie ne vise pas seulement les zones où sont les risques et les dangers, les défis et les enjeux stratégiques. Mais surtout celles est l'intérêt commercial bien compris de l'Europe. Comme si l'ancien portefeuille de commissaire au Commerce pour Cathy Ashton et de directeur général de la DG concernée pour David O'Sullivan déteignaient encore sur les priorités du service extérieur. Et comme si l'Europe avait abandonné, en fait, toute ambition de politique étrangère.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

3 réflexions sur “Les priorités diplomatiques de l’UE des “12 mois à venir” selon Ashton. Détonnant

  • C ‘est effectivement creux ce n’est pas demain que la diplomatie européenne s’imposera !

  • Camille Lépinay

    Etonant également que les Balkans soient considérés dans le “voisinage” alors qu’ils sont couvert par la politique d’élargissement et non par la PEV. De plus, Mme Ashton marche ici sur les plate-bande de Mr. Fühle….

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