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Les Etats reprennent l’initiative. Paris, Berlin, Varsovie écrivent à Cathy…

Juppé et zu Gutenberg passant en revue le 291e escadron, première unité déployée en France (Crédit : Afp photo, / Christian Lutz)

Les lettres se suivent... Après la lettre du Belge Pieter De Crem, résumant les débats à l'informelle de Gand (1), au nom des ministres de la Défense, le papier germano-suédois (2), voici la lettre de Michèle, Alain, Guido, Karl Théodor, Radek et Bogdan  adressée à Cathy Ashton.

Signée à la fois par les ministres de la Défense et des Affaires étrangères des trois pays qui composent le triangle de Weimar (M. Alliot-Marie et A. Juppé pour la France, G. Westerwelle et K.T. zu Gutenberg pour l'Allemagne, R. Sikorski et B. Klich pour la Pologne), elle est significative d'un certain malaise qui règne dans certains Etats membres sur l'atonie ambiante. Si le ton reste poli, la longueur inhabituelle de la lettre (5 pages) et les mots employés (malgré les périphrases de convenance) sonnent plutôt comme un rappel à l'action pour la Haute représentante chargée des Affaires étrangères et de la politique de sécurité de l'UE, Cathy Ashton.

"donner une nouvelle impulsion à la PSDC (...) par des mesures concrètes"

Le moment choisi pour faire connaître cette missive, datée du 6 décembre, est également symbolique. Préparée depuis plusieurs semaines (*), elle a été présentée au COPS, comité politique et de sécurité, le 10 décembre. Soit juste le lendemain du premier conseil des ministres de la Défense, présidé en propre par Cahty Ashton, qui a démontré, s'il en était encore nécessaire, le faible intérêt de la Haute représentante au développement d'une politique de défense autonome. Mais les Etats membres ne l'entendent pas de cette oreille. "Nous devons donner une nouvelle impulsion à la politique européenne de sécurité et de défense en pleine complémentarité avec l'OTAN. Votre investissement personnel dans cette entreprise sera essentiel.

Il faut passer à plus concret, soulignent-ils : "Les enseignements tirés doivent être transformés en mesures concrètes. (...) Nous souhaitons que l'Union renforce sa contribution à la paix et la sécurité internationales et améliore sa capacité à faire face aux menaces qui pèsent sur sa sécurité".

"Dans un contexte de fortes contraintes financières, nous devons être prêts à prendre des décisions audacieuses. La PSDC doit devenir à la fois plus performante et plus efficiente" écrivent les six signataires, qui cernent quatre domaines de progrès.

"La PSDC doit devenir à la fois plus performante et plus efficiente"

1er point : la coopération UE-OTAN

Cette coopération doit passer par une "coopération sur les théâtres d'opération", le partenariat "essentiel" entre l'Agence européenne de défense et le commandement allié pour la Transformation (ACT). Mais d'autres terrains peuvent être exploités, "notamment la Cyberdéfense". La Haute représentante aurait-elle fait fausse route jusqu'à là ?

2e point : les capacités permanentes de planification et de conduite des opérations

Les signataires cernent trois pistes : l'amélioration de la capacité de planification et de conduite des opérations et missions civilo-militaires et militaires en s'appuyant sur les structures existantes (autrement dit ce qui peut se rapprocher d'un QG civilo militaire), l'amélioration des capacités de conduite militaires (autrement dit le QG militaire tant attendu), l'adaptation des battlegroups à des "besoins opérationnels complexes", notamment par le biais du renforcement des capacités civilo-militaires, comme la possibilité de "créer des modules comprenant des capacités militaires et civiles complètes".

3e point : les battlegroups

Les trois pays qui mettront en commun un battlegroup au 1er semestre 2013 entendent ainsi expérimenter de nouvelles possiibilités. Ils "réaffirment ainsi leur volonté de déployer le battlegroup" et entendent le "rendre plus disponible encore pour qu'il réagisse mieux aux urgences opérationnelles". ne planification avancée ciblée sera mise en oeuvre, en coopération avec les structures de la PSDC. Et les participants comptent sur la révision du mécanisme Athena, qui va être entamée sous la présidence polonaise, qui pourrait permettre un "financement commun, visant à améliorer l'état de préparation, la déployabilité et la rentabilité des groupements tactiques" (notamment au niveau transport stratégique).

4e point : les capacités industrielles

Pour restructurer la base industrielle et technologique de défense (BITD), l'Agence européenne de défense a un  "rôle substantiel", soulignent les signataires, qui demandent à la Haute représentante de présenter "en temps opportun" un rapport "sur les progrès réalisés dans ce domaine qui pourrait servir de base à une discussion approfondie au niveau ministériel".

entamer le débat "dès que possible"

L'Allemagne, la Pologne et la France proposent enfin de "lancer un processus de réflexion dès que possible". Ils lui demandent d'inscrire "ce point à l'ordre du jour de la prochaine réunion du Conseil des Affaires étrangères", l'objectif étant d'obtenir "des résultats concrets sous la présidence polonaise durant le second semestre de 2011". Autrement dit, fini l'attentisme, ca urge, bonjour l'action madame la Haute représentante !

(*) Cette lettre était en fait préparée depuis plusieurs mois. Mais si Varsovie et Berlin avaient marqué leur accord, semble-t-il, Paris tergiversait encore.

Lire également :

Télécharger la lettre en français - la lettre en anglais

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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