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L’avenir de la défense britannique: dans l’UE !

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(BRUXELLES2) Renforcer la gestion de crises des Européens, avoir une Union européenne qui parle d'une seule voix, qui agisse de concert... Toutes choses assez convenues somme toute à Bruxelles. Quand cela est dit à Londres, convenons-en, c'est plus rare. Quand c'est écrit noir sur blanc dans un rapport très officiel, avec la signature de Bob Ainsworth, le ministre de la Défense, on ne peut qu'y prêter une attention... soutenue.

Dans le cadre de la révision (régulière de sa stratégie), le MOD a, en effet, publié (le 3 février), un Livre vert intitulé "Adaptability and Partnership: Issues for the Strategic Defence Review" qui passe en revue tous les enjeux futurs de la défense britannique, des hommes aux équipements et aux structures en passant par le contexte, les concepts... et les partenariats. On peut lire, en page 32, ceci : « NATO remains the cornerstone of our security. However, as Europeans, we must take greater responsibility for our security together. Stronger European defence co-operation offers many opportunities, not least in the wider role defence should play in resolving conflict and building peace. The UK will greatly improve its influence if we and our European partners speak and act in concert. A robust EU role in crisis  management will strengthen NATO. Playing a leading role at the heart of Europe will strengthen our relationship with the US. » (1).

Comment analyser ce changement : Fondamental ou cosmétique ? Je pense qu'il s'agit d'une évolution lente mais sûre, qui repose sur plusieurs éléments. La décison française de retour dans l'OTAN a sûrement joué, elle est d'ailleurs mentionnée noir sur blanc. Mais elle n'est pas la seule.
• Premier facteur : l'aventure irakienne puis afghane aujourd'hui semble avoir posé quelques limites à la solidarité atlantique. Si celle-ci n'est pas remise en cause (la Grande-Bretagne continue d'être un fidèle allié des Etats-Unis), ils veulent diversifier leur politique de sécurité. Car comme le constate le rapport : « Dans un monde globalisé, l'influence nationale est limitée »...
• Deuxième facteur: l'UE commence à démontrer un savoir-faire qu'il est intéressant de partager. Deux opérations me semblent avoir servi d'exemple. D'une part, l'opération EUFOR au Tchad — où le Royaume-Uni n'avait pas de contribution (sinon deux officiers de liaison chargés de rapporter fidèlement à Londres toutes les évolutions de l'opération) — a demontré que, sans les Britanniques, l'UE s'en sortait fort bien (Ce n'est jamais agréable pour une "puissance" de constater qu'on n'est pas du tout indispensable). D'autre part, l'opération
anti-piraterie EUNAVFOR commandée par un Britannique, depuis Londres, est un exemple plus positif pour les Britanniques qui leur permet de retrouver leur rang de leader, sans leur enlever leur autonomie : ils continuent de participer comme ils l'entendent à l'opération "parallèle" de l'OTAN, Ocean Shield.
• Troisième facteur : la position des autres pays. Il ne reste en Europe mis à part les pays qui ont des réticences budgétaires (Allemagne, Pays-Bas...) peu de réticences de principe à un rôle plus important de l'UE en matière de défense et de sécurité. Celle-ci n'est plus une "lubie" d'un trio franco-allemand-belge, les pays latins, les neutres et non alignés - comme les nordiques ou les Autrichiens - participent désormais régulièrement aux opérations voire les poussent (cf. les Espagnols avec Atalanta, les Nordiques avec l'opération ratée Eufor Goma). Et la plupart des Nouveaux Etats membres ont basculé dans le camp des pro-PSDC. Il faut se rendre à l'évidence : le Royaume-Uni est isolé dans son opposition totale et idéologique à l'Europe de la défense.

On retrouve là l'attitude des Anglais, assez pragmatique : si çà marche, pourquoi rester sur le coté. Une attitude que les responsables de la Défense sembent avoir fait leur, en estimant le moment venu d'évoluer. Il restera à concrétiser cette évolution. De là à dire que cette attitude progressiste sera partagée par le tout-Londres, je serai moins affirmatif. Les diplomates du Foreign Office me semblent garder une position plus "traditionnelle". Et le gouvernement est à la veille d'élections dont le sort reste incertain. Et si les Conservateurs reviennent au pouvoir, il n'est pas sûr qu'ils aient la même approche.

Télécharger le livre vert

(1) En langue de Voltaire : « L'OTAN reste la pierre angulaire de notre sécurité. Cependant, comme Européens nous devons prendre de plus grandes responsabilités pour assurer notre sécurité ensemble. Une coopération de défense des Européens plus forte offre des opportunités, dont le moindre n'est pas (de permettre) un rôle plus large de la défense dans la résolution des conflits et l'établissement de la paix. Le Royaume-Uni améliorera de façon importante son influence si nous et nos partenaires européens parlent et agissent de concert. Un rôle robuste de l'UE dans la gestion de crises peut renforce l'OTAN. Jouer un rôle leader au coeur de l'Europe peut renforcer nos relations avec les Etats-Unis. »

(crédit photo : MOD Uk - Le Hms Portland à l'entrée du Canal de Suez)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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