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La sécurité européenne selon Hillary : l’OTAN et la Russie

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(BRUXELLES2) Quelques jours avant la conférence de Münich, la ministre des Affaires étrangères américaine, Hillary Clinton, était à Paris, à l'Ecole militaire, pour donner quelques "Remarques sur le futur de la sécurité européenne" suivies, comme c'est l'usage, de questions dans le public. Un discours très construit, destiné, en premier lieu, à rassurer le public (est)européen, qui pouvait être surpris de l'absence d'attention de l'administration Obama pour l'Europe durant cette première année de mandat. « La sécurité européenne est (toujours) ancrée dans la politique étrangère US. » a-t-elle ainsi souligné.

Mais, cediscours était surtout destiné à la Russie. D'un coté, H. Clinton a rappelé le nécessaire « respect de l'intégrité territoriale » (cf. la
Géorgie) et le « droit pour chaque pays de choisir les alliances » comme il entend. De l'autre, elle a aussi mis en valeur la disponibilité américaine pour envisager « ensemble » la sécurité du continent européen, notamment le bouclier anti-missiles.

Quant à la défense européenne,la Secrétaire d'Etat semble rester sur un schéma très classique, années 1980. Quant elle évoque des questions de défense ou militaires, elle pense avant tout, et surtout, à l'OTAN, pas à l'Union européenne qui a d'autres tâches selon elle.. Quant à la politique européenne de défense et de sécurité commune (PeSDC), elle est... inconnue au bataillon!

Europe : vous serez toujours au coeur de nos préoccupations...

Hillary Clinton l'a martelé : « Une Europe forte est cruciale pour la sécurité et la prospérité des Etats-Unis et du monde (...) Et si
l'Europe n'est pas sûre, l'Europe ne peut pas entraîner
(lead).» Ce qu'Hillary Clinton voit surtout dans le modèle européen, c'est son atout de réconciliation. « L'Europe est plus forte que jamais. Les divisions amères de la Guerre froide ont été remplacées par l'unité, le partenariat et la paix. (...) Les défis auxquels nous faisons face appellent une réponse collective et l'Union européenne est une force inestimable et de plus en plus efficace pour le progrès mondial. L'Europe est davantage qu'une collection de pays
liés par l'histoire et la géographie. L'Europe est un modèle pour la capacité de réconciliation, de coopération et de communauté
. »

L'élargissement, un garant de la stabilité. Pour les Américains, cela parait plus clair qu'aux yeux des Européens, l'élargissement de l'UE (et de l'OTAN) a été un garant de la sécurité européenne et devrait continuer à l'être demain en étendant sa sphère d'influence. « Les anciens pays communistes d'Europe centrale ont bénéficié de l'assistance technique, social, juridique dans les institutions démocratiques et l'Etat de droit, la richesse d'un marché unique et l'expérience unificatrice d'une identité commune européenne. Il y a des forces puissantes pour le progrès et la stabilité. (...) Nous continuons l'entreprise commencée après la fin de la Guerre froide pour étendre la zone de démocratie et de stabilité à travers toute l'Europe ». Elle pense aux Balkans, mais aussi à l'Ukraine. Et les Etats-Unis veulent rester engagés « pour résoudre les conflits persistants dans le Caucase et à Chypre. »
Les troupes US toujours stationnées en Europe. Hillary a réitéré vouloir préserver l'efficacité de l'article 5 du traité de l'OTAN : « une attaque contre l'un est une attaque contre tous ». Un message destiné essentiellement aux pays est-européens face... à la menace russe. Comme « preuve de cet engagement, nous continuerons à stationner des troupes américaines en Europe, à la fois pour dissuader des attaques et pouvoir y répondre rapidement si cela se produit ». « Nous travaillons avec les alliés pour s'assurer que l'OTAN a des plans si nécessaire pour répondre aux nouvelles et futures urgences ».

 

Les GI's resteront en Europe

La dissuasion nucléaire US active et offerte aux alliés. L'objectif affiché par le président Obama à Prague en 2009 reste intact : « à long terme, vivre dans un monde sans armes nucléaires. Mais tant que ces armes existent, les Etats-Unis maintiendront un arsenal efficace, sûr et sécurisé, pour dissuader des adversaires et nous garantirons cette défense à nos alliés ». (voir aussi plus loin, le Traité Start).

Un bouclier anti-missiles couvrant Toute l'Otan voire la Russie. Clinton a aussi réitéré son engagement dans la défense anti-missiles. « Nous sommes engagés dans des discussions avec les alliés européens pour construire une architecture de défense anti-missiles qui défendra tout le territoire de l'OTAN contre des attaques de missiles balistiques ». On peut noter les deux mots-clés dans cette phrase : « avec les alliés », « tout le territoire », deux des principaux reproches faits par les Européens au bouclier anti-missiles de l'administration Bush. Clinton a expliqué vouloir étendre ce bouclier à la Russie. «Nous sommes sérieux (quand nous disons vouloir) explorer toutes les voies de coopération avec la Russie pour développer cette défense anti-missiles qui renforcera la sécurité de tous, y compris la Russie.»  Encore faut-il que « la Russie (soit) décidée à coopérer avec nous. C'est une opportunité entre nos pays pour notre sécurité mutuelle » a-t-elle expliqué.

L'index pointé vers la Russie en guise d'avertissement, et la main tendue

De façon générale, tout le discours de Hillary Clinton a été tourné autour de la Russie en pratiquant la politique du doigt tendu en guise d'avertissement, et de la main tendue, en guise d'ouverture. Hillary Clinton a été assez dure rappelant que « La pierre angulaire de la sécurité est la souveraineté et l'intégrité territoriale de tous les Etats » et refusant le projet russe de sécurité européenne.  Pour autant, elle n'entend pas retomber dans les errements passés : L'administration Obama a hérité d'une relation détériorée avec la Russie. » « Nous ne sommes pas toujours d'accord - a-t-elle expliqué. Nos intérêts ne se chevauchent pas toujours. Mais si nous sommes en désaccord, nous chercherons des voies constructives pour discuter et gérer nos différences. (...) La Russie n'est pas longtemps notre adversaire, et plus souvent un partenaire sur les questions clés mondiales. »

Intégrité territoriale de la Géorgie et droit d'adhérer à l'OTAN. « Nous devons rester vigilant dans nos efforts pour s'opposer à toute
tentative de miner (les droits fondamentaux des nations libres"). (...) Nous refusons de reconnaître les déclarations de la Russie sur l'indépendance pour l'Abkhazie et l'Ossétie du sud. Et de façon plus générale, nous refusons toutes zones d'influence en Europe dans laquelle un pays cherche à contrôler le futur d'un autre. Notre sécurité dépend de nations qui peuvent choisir leur propre
destinée.
» Cela inclut « Le droit de tous pays d'entrer dans les alliances de leur propre choix (un droit) reconnu par la Russie et les autres membres de l'OSCE au sommet d'Istanbul de 1999. L'OTAN doit et restera ouverte à tout pays qui aspire à en devenir membre et remplit les conditions d'adhésion » a-t-elle ainsi affirmé de façon très nette, faisant ainsi allusion à la Géorgie et l'Ukraine, dont l'adhésion est, de fait, suspendue.

Sécurité européenne indivisible. « La sécurité de l'Europe est indivisible. Il n'y a pas plusieurs Europe, il n'y en a qu'une. C'est une
Europe qui inclut les Etats-Unis comme partenaire. Et c'est une Europe qui inclut la Russie
(...) « Nous croyons que les objectifs communs seront mieux poursuivis dans le cadre des institutions existantes comme l'OSCE et le Conseil OTAN-Russie, plutôt qu'en négociant de nouveaux traités, comme la Russie le suggère ».


Le bouclier anti-missiles sera européen et ouvert à la Russie


Faire face à une série de menaces communes
. « Nous voulons construire une relation plus substantielle et constructive basée sur nos intérêts mutuels (...) Nous avons une série de soucis de sécurité mutuels incluant la stabilisation de l'Afghanistan, le programme nucléaire iranien, la défiance nord-coréenne à l'égard de ses obligations internationales, un nouveau traité de réduction des armes stratégiques (Start) et faire face à des menaces non traditionnelles comme les pandémies, les changements climatiques, la cyber-criminalité et le trafic des enfants ».

Echange et visites de sites militaires. « Nous sommes engagés à pratiquer la transparence dans nos transactions en Europe et nous appelons les autres nations à faire de même » Clinton propose un « échange plus ouvert des données militaires, incluant des visites sur les sites militaires et l'observation des activités militaires et exercices. Quand nos nations sont incertaines sur les capacités militaires de leurs voisins, cette incertitude peut favoriser des suspicions et même un conflit. » Elle a aussi réitéré son soutien au traité sur les Forces conventionnelles « suspendu par la Russie il y a deux ans. Nous avons besoin de raviver les discussions sur ce sujet. (...) Nos objectifs demeurent ceux du traité original : limitation des déploiements militaires, renforcement des principes de transparence, intégrité territoriale, non-usage de la force, droits des pays hôtes à consentir au stationnement de troupes étrangères sur leur territoire. »

Un traité Start renouvelé. Clinton a ainsi confirmé vouloir tenir un sommet sur la sécurité nucléaire en avril pour attirer l'attention posé par le terrorisme nucléaire et « galvaniser le soutien à des mesures solides pour sécuriser les matériaux nucléaires dans le monde ». La conférence de révision sur le traité de non-prolifération nucléaire se tiendra en mai. Les Etats-Unis chercheront à ratifier le traité pour interdire les tests globaux (CTBT) et négocier un traité sur l'arrêt des matériaux fissiles (FMCT). Et « nous conduisons une révision globale
des positions nucléaires pour trouver un nouvelle direction qui renforce la dissuasion et la réassurance pour les Etats-Unis et leurs alliés dans la réduction du rôle et du nombre des armes nucléaires
».

A l'OTAN la sécurité, à l'Union européenne le reste

Les questions posées par quelques intervenants triés sur le volet ont permis d'éclaircir certains points. Hillary Clinton apparaît ainsi soit très mal informée sur les réalités de la défense européenne aujourd'hui, soit très sceptique sur une Europe de la défense autonome de l'OTAN (soit les deux !).

Une répartition des rôles. Répondant à un intervenant (le général Perruche), elle a estimé ainsi qu'une « coopération étroite et plus
complémentaire entre l'UE et l'OTAN est dans tous nos intérêts pour essayer de forger des politiques communes : le politique, économique, développement et juridique du coté de l'UE, et principalement la sécurité du coté de
l'OTAN ».

L'armée européenne : non! Répondant à un autre sur un éventuel projet d'armée européenne (entre la France et l'Allemagne), elle s'est montrée là franchement sceptique. « D'un point de vue américain, je pense que nous ne voulons pas voir quoi que ce soit supplantant l'OTAN » - a-t-elle expliqué. « Si c'est à disposition de l'OTAN, ce pourrait être différent. Mais étant données les contraintes qui existent déjà sur le budget de l'OTAN et les dépenses militaires dans nos pays, nous pensions que c'est plus intelligent de calculer comment utiliser nos ressource que nous avons effectivement et d'utiliser l'Alliance dont nous sommes membres dans une voie plus stratégique. »

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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