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Pooling and sharing, c’est l’printemps… (Maj2)

l''hopital modulaire de campagne, un des projets phares de l'agence européenne de défense - ici le module pharmacie de l'armée italienne déployé au Tchad pour l'opération Eufor(copyright : NGV / B2)

(BRUXELLES2) Le Conseil "Défense" va être l'occasion pour les ministres de l'Union européenne de faire le point sur les projets "Pooling and sharing" (partage et mise en commun, de façon sans doute plus concrète que les fois précédentes. Le constat est clair aujourd'hui : impossible d'échapper aux économies et aux mises en commun. Maintenant il s'agit d'entrer dans le vif du concret après la décision prise fin novembre dernier d'approuver 11 projets de mise en commun (douze projets désormais puisque le projet de lutte contre les engins explosifs artisanaux a officiellement été présenté par l'Espagne). « Certains projets ont bien avancé, d'autres moins ». C'est en ces termes que l'Agence européenne devait ouvrir les débats devant les ministres de la Défense (*).

Lire également :

Bilan des 12 projets

Ce qui traine

Commençons par ce qui "traîne", ou plutôt pour employer un langage plus diplomatique, les projets qui ont connu « peu de progrès significatifs ». La prochaine génération de satellite (un projet assez lourd en ce moment emmené par le Royaume-Uni et la France) ; les Smart munitions -  le Danemark a préféré apporté ce projet à l'OTAN ; l'ISR va devenir un projet "amiral" pour le Sommet de l'OTAN.

Ce qui avance

D'autres projets, en revanche, ont bien avancé et devraient franchir sur une étape supplémentaire lors de ce conseil.

• Ainsi une déclaration d'intention devrait être signée pour l'hôpital modulaire de campagne, un projet emmené par l'Italie et qui associent une douzaine de pays. C'est un projet intéressant, développé en totale complémentarité avec l'OTAN. Pour reprendre une terminologie industrielle, l'Alliance standardise et prépare les modules ; l'UE les assemble. Ainsi autour d'un module central (réanimation, radiographie, chirurgie...), on pourra ajouter des modules spécifiques, adaptables selon le type de théâtre, de risque et de zone géographique. Il pourra être utilisé dans toutes sortes de mission : courtes ou longues, voire civiles (exemple : tremblement de terre en Haïti). Ce projet pourra être « déployable totalement sur le terrain à partir de 2014 avec tous les modules », a précisé un responsable de l'Agence. « Mais il pourrait être utilisé très rapidement » dans certains modules. NB : Participent à ce projet 14 pays : outre l'Italie (chef de file), Autriche, Belgique, Allemagne, Chypre, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Pays-Bas, Roumanie, Slovénie, république Tchèque.

• Le projet des avions ravitailleurs va aussi accomplir une étape importante avec une déclaration politique. Un projet lourd puisqu'il se déroule dans un horizon à court, moyen et long terme jusqu'à 2020. Lire article séparé : L'Europe entend se ravitailler toute seule

• Le programme d'entraînement des pilotes hélicoptères « fonctionne bien ». Un simulateur d’entraînement, mis à disposition au Royaume-Uni, va permettre d'accélérer la formation . Ce programme a déjà permis le déploiement d'équipages supplémentaires tchèques et allemands, notamment, déployés dans la mission de l'OTAN (ISAF) en Afghanistan. Deux exercices sont prévus en 2012 : au Portugal (du 4 au 12 juillet, exercice Hot Blade) et en Belgique (du 17 septembre au 5 octobre, exercice Green Blade).

• Le projet de surveillance maritime - emmené par la Finlande - poursuit son petit bonhomme de chemin. Une quinzaine d'Etats membres l'utilisent déjà.

• Des hubs multimodaux. L'agence veut préciser le concept de hubs militaires multimodaux - avion/train/route - sur le modèle des hubs civils, afin d'assurer une meilleure efficacité et économie. Une étude va être engagée sur le budget de l’agence.

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Les nouveaux projets "de crise"

Quelques projets détonnent dans le contexte et méritent un coup d'oeil. Ces sont des projets "Crise' compatible" assez légers en termes d'investissements mais qui peuvent rapporter. Ils sont développés par l'agence de façon optionnelle. Ils marquent chez les ministres de la Défense la volonté de trouver des solutions communes face à la pression des ministères du Budget des "27" (26 en fait) auxquels ils sont tous confrontés. Car, en fait, les divisions idéologiques ou stratégiques s'effacent aujourd'hui entre les Etats membres devant la contrainte budgétaire qui frappe tous les ministères de la Défense. Ceux-ci cherchent souvent chez les autres les "petits trucs" qui leur permettent de résister à leurs "Bercy" nationaux.

"Go Green"

Le constat est simple, les bases militaires, installations de défense, disposent souvent de grands espaces, bien exposés. Pourquoi ne pas profiter faciliter pour les équiper de panneaux solaires. C'est tout bénéfice pour tout le monde. Les militaires "rentabilisent" leur installation - les militaires sont les premiers . Le projet est vert, donc très tendance en ce moment. De plus, il permet de pallier au problème posé par ce type d'installation ; qui, souvent, provoque chez les riverains quelques grognements, en vertu du principe Nomyby (not in my back yard). Plusieurs pays sont intéressés par ce concept : l'Allemagne qui porte ce projet ainsi que l'Autriche, Chypre, la République tchèque, la Grèce, le Luxembourg, la Roumanie. Un modèle d’exploitation des panneaux solaires va être mis au point. Et le premier projet devrait démarrer en Allemagne.

Mieux acheter, en commun

Il s'agit de développer des méthodes de marchés publics plus efficaces : comment économiser en achetant en commun. L'Autriche va tester un projet pilote pour le Battlegroup du second semestre 2012 (Autriche, république Tchèque, Allemagne) afin de fournir la chaîne logistique.  C'est l’Agence servira de structure d’acquisition. L'objectif est de pouvoir « économiser environ 25% environ des coûts » a expliqué un expert à B2. « Si l'expérience est positive, elle pourra être étendue ».

Vente des surplus européens : l'Ebay Défense

Last but not least, c'est le projet par excellence de la crise. Le principe est simple : vous cherchez à vous débarrasser de quelques dizaines de chars, véhicules blindés et autres fusils, en bon état, mais qui lestent votre armée et votre entretien ; vous n'avez pas trouvé encore d'acheteur ou vous cherchez le meilleur offrant ; l'Agence peut vous aider. 🙂 C'est une sorte de "ebay - Equipements de défense", permettant d'écouler les surplus européens, de tailler dans le gras des armées, qui ont souvent des équipements en nombre qui grèvent son budget entretien et maintenance, pour une utilité parfois discutable, ou du moins discutée.

"Save et reinvest"

C'est le projet par excellence "top secret" des ministres de la Défense : Comment préserver leur cagnotte, éviter que l'argent économisé reparte dans le budget général, à la faveur des économies budgétaires, aux dépens du réinvestissement. Une étude a ainsi été présentée aux ministres durant ce Conseil, par "oral" uniquement. Entamée par une experte britannique, menée dans cinq États membres (France, Allemagne, Italie, Pologne, Royaume-Uni), elle consiste à étudier les meilleures pratiques d'économies et de réinvestissements. En clair, comme l'a confié un expert des questions de défense, il s'agit de se « protéger de la rapacité des Bercy nationaux ».

(*) En fait, compte tenu des délais de préparation des Conseils et de la pause de Noël, entre le dernier Conseil (qui était fin novembre) et celui du 22 mars, les experts de l'Agence européenne de défense n'ont eu que huit semaines effectives ; la préparation des Conseils nécessite en effet de déposer tous les documents de préparation au moins 15 jours à l'avance. Cela parait un détail administratif. Mais il a de l'importance.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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